chagrin. Un
[15]soir, elle dormait paisiblement a cote de son mari, elle
entend du bruit, se leve, elle recoit un coup de couteau
dans le bras. Elle crie, on cherche de la lumiere. Pierre
Cambremer voit sa femme blessee; il croit que c'est un
voleur, comme s'il y en avait dans notre pays, ou l'on
[20]peut porter sans crainte dix mille francs en or, du Croisic
a Saint-Nazaire, sans avoir a s'entendre demander ce
qu'on a sous le bras. Pierre cherche Jacques, il ne trouve
point son fils. Le matin, ce monstre-la n'avait-il pas eu
le front de revenir en disant qu'il etait alle a Batz. Faut
[25]vous dire que sa mere ne savait ou cacher son argent.
Cambremer, lui, mettait le sien chez monsieur Dupotet
du Croisic. Les folies de leur fils leur avaient mange des
cent ecus, des cent francs, des louis d'or, ils etaient
quasiment ruines, et c'etait dur pour des gens qui avaient aux
[30]environs de douze mille livres, compris leur ilot. Personne
ne sait ce que Cambremer a donne a Nantes pour
ravoir son fils. Le guignon ravageait la famille. Il etait
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arrive des malheurs au frere de Cambremer, qui avait
besoin de secours. Pierre lui disait pour le consoler que
Jacques et Perotte (la fille au cadet Cambremer) se marieraient.
Puis, pour lui faire gagner son pain, il l'employait
[5]a la peche; car Joseph Cambremer en etait reduit a vivre
de son travail. Sa femme avait peri de la fievre, il fallait
payer les mois de nourrice de Perotte. La femme de
Pierre Cambremer devait une somme de cent francs a
diverses personnes pour cette petite, du linge, des hardes,
[10]et deux ou trois mois a la grande Frelu qu'avait un enfant
de Simon Gaudry et qui nourrissait Perotte. La Cambremer
avait cousu une piece d'Espagne dans la laine de
son matelas, en mettant dessus: A Perotte. Elle avait
recu beaucoup d'education, elle ecrivait comme un greffier,
[15]et avait appris a lire a son fils, c'est ce qui l'a perdu.
Personne n'a su comment ca s'est fait, mais ce gredin de
Jacques avait flaire l'or, l'avait pris et etait alle riboter
au Croisic. Le bonhomme Cambremer, par un fait expres,
revenait avec sa barque chez lui. En abordant il voit
[20]flotter un bout de papier, le prend, l'apporte a sa femme
qui tombe a la renverse en reconnaissant ses propres
paroles ecrites. Cambremer ne dit rien, va au Croisic,
apprend la que son fils est au billard; pour lors, il fait
demander la bonne femme qui tient le cafe, et lui dit:
[25]--J'avais dit a
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