ais son
pere. Il lui paraissait impossible de se trouver ainsi abandonne
tout a coup; il voulut a toute force entrer dans la
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boutique, mais on lui fit entendre que les scelles etaient
mis, il s'assit sur une borne, et, se livrant a sa douleur, il
se mit a pleurer a chaudes larmes, sourd aux consolations
de ceux qui l'entouraient, ne pouvant cesser d'appeler son
[5]pere, quoiqu'il le sut deja bien loin; enfin il se leva, honteux
de voir la foule s'attrouper autour de lui, et, dans le
plus profond desespoir, il se dirigea vers le port.
Arrive sur la jetee, il marcha devant lui comme un
homme egare qui ne sait plus ou il va ni que devenir. Il
[10]se voyait perdu sans ressources, n'ayant plus d'asile, aucun
moyen de salut, et, bien entendu, plus d'amis. Seul, errant
au bord de la mer, il fut tente de mourir en s'y precipitant.
Au moment ou, cedant a cette pensee, il s'avancait
vers un rempart eleve, un vieux domestique, nomme Jean,
[15]qui servait sa famille depuis nombre d'annees, s'approcha
de lui.
--Ah! mon pauvre Jean! s'ecria-t-il, tu sais ce qui s'est
passe depuis mon depart. Est-il possible que mon pere
nous quitte sans avertissement, sans adieu?
[20]--Il est parti, repondit Jean, mais non pas sans vous dire
adieu.
En meme temps il tira de sa poche une lettre qu'il donna
a son jeune maitre. Croisilles reconnut l'ecriture de son
pere, et, avant d'ouvrir la lettre, il la baisa avec transport;
[25]mais elle ne renfermait que quelques mots. Au lieu de
sentir sa peine adoucie, le jeune homme la trouva confirmee.
Honnete jusque-la et connu pour tel, ruine par
un malheur imprevu (la banqueroute d'un associe), le
vieil orfevre n'avait laisse a son fils que quelques paroles
[30]banales de consolation, et nul espoir, sinon cet espoir
vague, sans but ni raison, le dernier bien, dit-on, qui se
Perde.
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--Jean, mon ami, tu m'as berce, dit Croisilles apres
avoir lu la lettre, et tu es certainement aujourd'hui le seul
etre qui puisse m'aimer un peu; c'est une chose qui m'est
bien douce, mais qui est facheuse pour toi; car, aussi vrai
[5]que mon pere s'est embarque la, je vais me jeter dans cette
mer qui le porte, non pas devant toi ni tout de suite, mais
un jour ou l'autre, car je suis perdu.
--Que voulez~vous y faire? repliqua Jean, n'ayant point
l'air d'avoir entendu, mais retenant Croisilles par le pan de
[10]son habit; que voulez~vous y faire, mon cher maitre? Votre
pere a ete trompe; i
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