r, Mahmoud-Ben-Ahmed
releva la jeune esclave et deposa un baiser sur son
front.
[15]Leila redressa la tete comme une colombe caressee, et,
se posant devant Mahmoud-Ben-Ahmed, lui prit les
mains, et lui dit:
"Regardez-moi bien attentivement; ne trouvez-vous
pas que je ressemble fort a quelqu'un de votre
[20]connaissance?"
Mahmoud-Ben-Ahmed ne put retenir un cri de surprise:
"C'est la meme figure, les memes yeux, tous les traits
en un mot de la princesse Ayesha. Comment se fait-il
que je n'aie pas remarque cette ressemblance plus
[25]tot?
--Vous n'aviez jusqu'a present laisse tomber sur votre
pauvre esclave qu'un regard fort distrait, repondit Leila
d'un ton de douce raillerie.
--La princesse Ayesha elle-meme n'enverrait maintenant
[30]son noir a la robe de damas jaune, avec le selam
d'amour, que je refuserais de le suivre.
--Bien vrai? dit Leila d'une voix plus melodieuse que
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celle de Bulbul faisant ses aveux a la rose bien-aimee.
Cependant, il ne faudrait pas trop mepriser cette pauvre
Ayesha, qui me ressemble tant."
Pour toute reponse, M~oud-Ben-Ahmed pressa la
[5]jeune esclave sur son coeur. Mais quel fut son etonnement
lorsqu'il vit la figure de Leila s'illuminer, l'escarboucle
magique s'allumer sur son front, et des ailes, semees
d'yeux de paon, se developper sur ses charmantes epaules!
Leila etait une peri!
[10]"Je ne suis, mon cher Mahmoud-Ben-Ahmed, ni la
princesse Ayesha, ni Leila l'esclave. Mon veritable nom
est Boudroulboudour. Je suis peri du premier ordre,
comme vous pouvez le voir par mon escarboucle et par
mes ailes. Un soir, passant dans l'air a cote de votre
[15]terrasse, je vous entendis emettre le voeu d'etre aime d'une
peri. Cette ambition me plut; les mortels ignorants,
grossiers et perdus dans les plaisirs terrestres, ne songent
pas a de si rares voluptes. J'ai voulu vous eprouver, et
j'ai pris le deguisement d'Ayesha et de Leila pour voir si
[20]vous sauriez me reconnaitre et m'aimer sous cette
enveloppe humaine. Votre coeur a ete plus clairvoyant que
votre esprit, et vous avez eu plus de bonte que d'orgueil.
Le devouement de l'esclave vous l'a fait preferer a la
sultane; c'etait la que je vous attendais. Un moment
[25]seduite par la beaute de vos vers, j'ai ete sur le point de
me trahir; mais j'avais peur que vous ne fussiez qu'un
poete amoureux seulement de votre imagination et de vos
rimes, et je me suis retiree, affectant un dedain superbe.
Vous avez
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