er et les prendre juste au
moment ou elles vont remonter aux cieux pour n'en plus
[20]descendre.--L'occasion doit etre saisie par la boucle
de cheveux qui lui pend sur le front, et les esprits de
l'air par leurs ailes. C'est ainsi qu'on peut s'en rendre
maitre.
"Vraiment, Mahmoud-Ben-Ahmed, vous avez un talent
[25]de poete des plus rares, et vos vers meritent d'etre affiches
a la porte des mosquees, ecrits en lettres d'or, a cote des
plus celebres productions de Ferdoussi, de Saadi et d'Ibnn-Ben-Omaz.
C'est dommage qu'absorbe par la perfection
de vos rimes alliterees, vous ne m'avez pas regardee tout
[30]a l'heure, vous auriez vu... ce que vous ne reverrez
peut-etre jamais plus. Votre voeu le plus cher s'est accompli
devant vous sans que vous vous en soyez apercu.
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Adieu, Mahmoud-Ben-Ahmed, qui ne vouliez aimer
qu'une peri."
La-dessus Ayesha se leva d'un air tout a fait majestueux,
souleva une portiere de brocart d'or et disparut.
[5]Le muet vint reprendre Mahmoud-Ben-Ahmed, et le
reconduisit par le meme chemin jusqu'a l'endroit ou il
l'avait pris. Mahmoud-Ben-Ahmed, afflige et surpris
d'avoir ete ainsi congedie, ne savait que penser et se
perdait dans ses reflexions, sans pouvoir trouver de motif a
[10]la brusque sortie de la princesse: il finit par l'attribuer a un
caprice de femme qui changerait a la premiere occasion;
mais il eut beau aller chez Bedredin acheter du benjoin et
des peaux de civette, il ne rencontra plus la princesse
Ayesha; il fit un nombre infini de stations pres du troisieme
[15]pilier de la mosquee du sultan Hassan, il ne vit plus
reparaitre le noir vetu de damas jaune, ce qui le jeta dans une
noire et profonde melancolie.
Leila s'ingeniait a mille inventions pour le distraire:
elle lui jouait de la guzla; elle lui recitait des histoires
[20]merveilleuses; ornait sa chambre de bouquets dont les
couleurs etaient si bien mariees et diversifiees, que la vue
en etait aussi rejouie que l'odorat; quelquefois meme elle
dansait devant lui avec autant de souplesse et de grace
que l'almee la plus habile; tout autre que Mahmoud-Ben-Ahmed
[25]eut ete touche de tant de prevenances et d'attentions;
mais il avait la tete ailleurs, et le desir de retrouver
Ayesha ne lui laissait aucun repos. Il avait ete bien
souvent errer a l'entour du palais de la princesse; mais il
n'avait jamais pu l'apercevoir; rien ne se montrait derriere
[30]les treillis exactement fermes; le palais etait comme
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