memes epreuves avec les memes plaintes, les memes
souffrances, la meme fin, et celle-la par d'autres encore.
En general les clients du matin n'appartiennent pas a la meme categorie
que ceux du milieu de la journee ou du soir.
A la premiere heure, souvent avant que Barnabe, le garcon de bureau, ait
ouvert la porte et fait le menage, arrivent les fievreux, les inquiets,
ceux que l'engrenage a deja saisis et ne lachera plus; de la periode des
grandes esperances ils sont entres dans celle des difficultes et des
proces; ils apportent des renseignements decisifs pour leur affaire qui
dure depuis des mois, des annees, et va faire un grand pas ce jour-la;
ou bien c'est une nouvelle provision pour laquelle ils sont en retard et
qu'ils ont pu enfin se procurer le matin meme par un dernier sacrifice;
et, en attendant l'arrivee des employes ou du directeur, ils content
leurs douleurs et leurs angoisses a Barnabe qui les enveloppe de flots
de poussiere souleves par son balai.
Puis, apres ceux-la, c'est l'heure de ceux qui, pour la premiere fois,
tournent le bouton de l'office; vaguement ils savent que les brevets ou
les marques de fabrique doivent proteger leur invention, ou assurer
ainsi la propriete de ses produits; et ils viennent pour qu'on eclaire
leur ignorance. Que faut-il faire? Ils ont toutes les confiances, toutes
les audaces, portes qu'ils sont sur les ailes de la fortune ou de la
gloire. Ne sont-ils pas surs de revolutionner le monde avec leur
invention, qui va les enrichir, en meme temps qu'elle enrichira tous
ceux qui y toucheront? Et les millions roulent, montent, s'entassent,
eblouissants, vertigineux.
--S'il faut prendre un brevet en Angleterre? dit M. Chaberton repondant
a leurs questions; non seulement en Angleterre, mais aussi en Italie, en
Espagne, en Allemagne, en Europe, en Asie, en Amerique, partout ou la
legislation protectrice des brevets a penetre. Sans doute la depense
peut etre genante, alors surtout qu'on s'est epuise dans de couteux
essais; mais ce n'est pas quand on touche au succes qu'on va le laisser
echapper.
Et, sortant de son cabinet, M. Chaberton amene lui-meme dans ses bureaux
ce nouveau client pour le confier a celui des employes qui guidera ses
pas dans la voie de la prise et de l'exploitation d'un brevet.
--Voyez Mr Barincq! Voyez Mr Spring! Voyez Mr Jugu.
Et le client admis dans la cage de celui a qui on le confie s'interesse,
ravi, a voir Mr Barincq, le dessinateur de l'offi
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