general.--Son pere la laissa faire tout c' qu'el' veut, dit
une autre: aussi la rencontrons-nous partout seule, grimpant sur les
arbres, montant sur nos anes, effarouchant nos moutons, et faisant un
vacarme ni pus ni moins qu' si c'etait un p'tit polisson sortant d'
l'ecole.--Je n' sommes que d' simples paysannes, ajoutait une troisieme,
mais j'avons plus d' tenue qu' ca.--N' faudrait pas, repris une
quatrieme, que j' fussions tenir a mon pere tout' les raisons qu'el'
tient au sien: i' me r'leverait d' maniere a c' que j' n'y r'vinssions
plus, et ca s'rait juste.--Eh ben! dit une autre bergere qui paraissait
la plus maligne de toutes, ces d'moiselles, ces filles d' bourgeois, d'
general, ca s' croit mieux induquees qu' nous; ca nous r'garde comme d'z
especes grossieres, et pourtant ca n' nous vaut pas en fait d' respect
filial ... non, ca n' nous vaut pas."
Gabrielle, surprise et confuse, reconnut alors que nos fautes sont
remarquees aux champs comme a la ville, et que, chez les bons et
simples agriculteurs, les vertus domestiques sont cultivees avec plus
d'exactitude peut-etre que chez les gens favorises de la fortune et
dans un rang eleve. Mais bientot la vivacite de son caractere et son
insouciance habituelle lui firent oublier cette premiere lecon. Elle
reprit son train de vie, et se livra plus que jamais a toutes ses
consequences.
Le matin d'une des plus belles journees de l'automne, entrainee par son
etourderie accoutumee, Gabrielle, nu-tete et les cheveux dans le plus
grand desordre, vetue d'une robe sale et dechiree, ses souliers ecules
et ses bas sur les talons, jouait au bout de l'avenue du chateau de son
pere, sur le grand chemin, avec plusieurs petits garcons de son age,
fils d'honnetes ouvriers des environs, et, parmi les espiegleries qui
lui etaient passees par la tete, elle avait forme, sur des charpentes
qui bordaient la grande route, une balancoire ou, juchee d'un cote, ses
jupes relevees au-dessus des genoux, elle faisait la chouette a deux
jeunes villageois places a l'autre bout de la piece de bois, et se
livrait avec eux a tout ce que les jeux de l'enfance ont de plus
bruyant, de plus evapore. Un officier, frere d'armes du general
Dostanges, n'avait point voulu passer en Touraine sans le voir et
l'embrasser. Il aborde la troupe folatre, et, s'adressant a Gabrielle,
qu'il prend pour une petite fille d'ouvrier a qui la demoiselle du
chateau a donne ses vieilles robes, il lui demande la chemin qui co
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