tenait si
discretement a l'ecart qu'il n'avait pas paru au diner; il se montrerait
seulement a la soiree, comme bien d'autres.
Ils avaient commence leur tour, Adeline donnant le bras a sa femme,
Michel conduisant Berthe; a mesure qu'ils avancaient, l'impression
n'etait pas la meme chez la mere que chez la fille: madame Adeline se
montrait effrayee du luxe qu'elle voyait, Berthe en etait emerveillee;
quant a Michel, il n'avait d'yeux que pour Berthe, et s'il ne pouvait
etre toujours tourne vers elle, il la regardait venir dans les glaces,
et par cela seul qu'il la voyait s'appuyer sur son bras, il la sentait
plus a lui: a la douceur du contact de la main s'ajoutait le ravissement
des yeux: qu'elle etait charmante dans sa toilette rose!
Ils arriverent a la salle de baccara, dont Adeline ouvrit la porte, et
ils se trouverent dans une grande piece, plus longue que large et tres
haute, puisque de deux etages on en avait fait un seul en supprimant le
plancher; le plafond etait a caissons dores et les murs etaient tendus
de belles tapisseries tombant sur des boiseries sombres.
--Comment trouvez-vous ca? demanda Adeline avec fierte.
--On dirait une chapelle, repondit Berthe.
En rentrant dans le grand salon, M. de Cheylus et Frederic vinrent
au-devant d'eux, et les presentations eurent lieu:
--Mon cher president, on vous reclame, dit Frederic; si ces dames
veulent bien m'accepter a votre place, je vais les installer; je
resterai avec elles pour leur nommer vos invites; il faut bien qu'elles
les connaissent, puisqu'elles sont les maitresses de la maison.
Et ce fut reellement en maitresses de la maison qu'il les traita: on
ne pouvait etre plus respectueux, plus aimable, plus Mussidan; madame
Adeline, qui avait pour lui une repulsion instinctive, fut gagnee.
C'etait vraiment l'homme que si souvent son mari lui avait depeint.
Les salons s'emplirent "_et la fete commenca_". Comme le programme en
avait ete tres habilement compose, ce fut au milieu des applaudissements
qu'il s'executa; de tous cotes partaient des exclamations enthousiastes,
et les compliments accablaient Adeline, qui ne savait a qui repondre, un
peu grise de ce triomphe.
Cependant tout le monde n'applaudissait point, et dans les coins se
manifestaient de sourdes protestations et des impatiences.
--Ca ne finira donc jamais, leur bete de fete?
--On n'en taillera donc pas une petite?
Si Raphaelle avait ete presente, elle aurait vu que, parmi ces
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