ses jetons et ses plaques contre vingt-cinq
beaux billets de mille francs, Adeline s'approcha de Frederic.
--Je vous prie de faire en sorte qu'il ne soit plus prete d'argent a M.
Combaz.
--Et pourquoi donc, mon cher president?
--Il est ruine.
--Il vaut au moins vingt-cinq mille francs, puisqu'il les empoche.
--Je desire qu'il les garde.
--Et la partie, qui la fera marcher, si nous ecartons les joueurs? Vous
savez bien que ce ne sont pas la nos conventions; les recettes baissent;
interessant, le peintre Combaz, sympathique, je le dis avec vous, mais
si nous eloignons les sympathiques, qui nous fera vivre puisque les
coquins ne viennent pas ici?
IX
Bien souvent Adeline avait invite le pere Eck a venir diner a son
cercle, dans un de ses voyages a Paris; mais les voyages du pere Eck a
Paris etaient rares; il aimait mieux rester a Elbeuf a surveiller sa
fabrique.
Tandis que le fabricant de nouveautes est oblige de venir a Paris deux
fois par an et d'y passer chaque fois quinze jours ou trois semaines
pour faire accepter par les acheteurs les echantillons de la saison
prochaine, trainant chez les quarante ou cinquante negociants en draps
qui sont ses clients sa _marmotte_, c'est-a-dire la caisse dans laquelle
sont ranges ses echantillons,--le fabricant de draps lisses n'a pas a
supporter ces ennuis et cette grosse depense de preparer a l'avance,
pour la saison d'hiver et la saison d'ete, cinq ou six cents
echantillons dont il lui faudra discuter, avec les acheteurs, chaque
fil, chaque nuance, la force, l'appret; sa gamme de fabrication est
beaucoup plus limitee, et d'un coup d'oeil, d'un mot, ses commandes sont
faites ou refusees; pour les recevoir, il n'est pas necessaire que le
chef de la maison se derange lui-meme.
Le pere Eck ne se derangeait donc que bien rarement; que serait-il venu
faire a Paris? Ce n'etait pas a Paris qu'etaient ses plaisirs, c'etait a
Elbeuf, dans sa fabrique dont il montait les escaliers du matin au soir
comme le plus alerte de ses fils; c'etait dans son bureau a consulter
ses livres; c'etait surtout le jour des inventaires qu'il cloturait tout
seul quand il faisait comparaitre devant lui ses fils et ses neveux
et qu'il leur disait en deux mots: "Voila ta part, Samuel; la tienne,
David, la tienne, Nathaniel, la tienne, Nephtali, la tienne, Michel;
maintenant, allez travailler."
Cependant, un jour qu'une affaire importante reclamait sa presence a
Paris, il s'etait decide a
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