etait assez animee, et Salzman venait de
prendre la banque; on avait apporte des cartes que Camy avait battues
pendant que Salzman repetait d'un voix indifferente:
--Messieurs, faites votre jeu.
Et le jeu se faisait mal, les pontes ne paraissant pas disposes a
aventurer de grosses sommes avec ce nouveau banquier.
Au montent ou le croupier presentait les cartes a un joueur pour les
faire couper, un autre joueur avanca la main et les prit.
--Permettez, dit-il.
A ce moment meme Adeline arrivait aupres de la table, et il vit le
joueur qui avait pris les cartes se preparer a les battre serieusement.
--Qu'est-ce a dire? demanda Salzman, qui avait eu un court instant
d'hesitation, en homme qui se demande s'il va se facher de cette marque
de defiance, ou s'il va ne pas la relever.
Bien que cette question eut ete faite sur le ton de la provocation, ce
fut avec calme et sans elever la voix que le joueur repondit:
--Rien autre chose que ce que je fais.
Et avec le meme calme, il continua a battre les cartes, qui claquaient
entre ses doigts.
Salzman etait un grand gaillard d'Americain maigre, comme s'il etait
desseche dans l'alcool, qui, du haut de son fauteuil de banquier,
paraissait plus grand encore; il essaya d'assener a cet insolent un
regard de defi, mais l'insolent, bien que tout petit et chetif; ne se
laissa pas intimider, il soutint ce regard et lui repondit.
--Est-ce une querelle que vous me cherchez? demanda Salzman.
--Est-ce chercher une querelle que d'user de son droit?
--Messieurs, messieurs! dit Adeline en intervenant vivement.
--Ne craignez rien, mon cher president, dit Salzman, je cede la place a
monsieur.
D'un air de dignite hautaine qui n'etait pas precisement en accord avec
ses paroles, il se leva de son fauteuil.
--Comme cela, l'affaire n'aura pas de suite, dit le joueur, qui
decidement ne perdait pas la tete.
Tout a l'algarade qui venait de se produire et a laquelle il avait coupe
court par son intervention, Adeline ne pensa pas immediatement a ce
dernier mot; ce ne fut que plus tard qu'il se le rappela et l'examina.
"L'affaire n'aura pas de suite."
Que voulait dire cela?--Etait-ce simplement le cri de triomphe d'un
grincheux, constatant qu'on n'osait pas lui tenir tete? Ou bien
n'etait-ce pas une allusion a la suite que, lui, Adeline, avait prise
quand Salzman avait abandonne sa banque?
Cette supposition le jeta dans un trouble profond.
Si elle etait fondee, il y
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