; cette maison
qu'il s'etait plu a embellir pour finir la ses jours tranquillement; ces
arbres qu'il avait plantes, ces champs qu'il avait ameliores et qu'il
aimait, c'etait pour la derniere fois qu'il les voyait: tout, ces
quenouilles blanches de fleurs, ces arbustes bourgeonnants, ces boutons
verts qui deplissaient leurs feuilles a la lumiere, ces oiseaux qui
chantaient, cette odeur de seve parlaient de renouveau, de force, de
joie, de vie, et lui ne pouvait pas detacher ses yeux de la mort, resolu
a ne pas la fuir, mais cependant secoue d'horreur.
Il y avait longtemps qu'il tournait sur lui-meme quand Berthe vint le
rejoindre, toute fraiche, toute pimpante dans sa toilette printaniere.
--Comment me trouvera-t-il? demanda-t-elle, apres l'avoir embrasse.
--Tu seras encore bien plus jolie tout a l'heure: ta grand'mere consent
a votre mariage.
Elle se jeta dans ses bras:
--Comment as-tu fait? demanda-t-elle apres ce premier elan de joie;
qu'as-tu dit? Et moi qui, malgre tout, doutais de toi!
--C'etait de ta grand'mere qu'il fallait ne pas douter; n'oublie jamais
le sacrifice qu'elle a fait a ton bonheur.
Elle voulut qu'il lui promit d'aller avec elle au-devant de Michel, qui
devait venir a pied par la Londe et le chemin de la foret; et quand
l'heure fut arrivee ou ils avaient chance de le rencontrer, ils
partirent.
Il aurait voulu s'associer a la joie debordante de Berthe, rire comme
elle, lui repondre, mais il y avait des moments ou, malgre ses efforts,
il restait silencieux et sombre, ne l'entendant pas, ne la voyant meme
plus.
Ils n'allerent pas bien loin dans la foret; comme ils approchaient d'un
carrefour ou se croisaient plusieurs chemins, ils apercurent Michel
assis sur un tronc d'arbre couche dans l'herbe.
--C'est comme cela que vous vous depechez, lui cria Berthe.
--C'est justement parce que je me suis trop depeche que j'attendais
qu'il fut l'heure d'arriver convenablement, repondit Michel en venant
vivement au-devant d'eux.
--Si vous aviez su?... dit Berthe.
Michel la regarda surpris; alors Adeline lui prenant la main la mit dans
celle de Berthe.
--La Maman donne son consentement, dit-il; dans un mois, vous pouvez
etre maries; mais, aujourd'hui meme, vous l'etes pour moi et par moi;
embrassez-vous, mes enfants.
Il voulut que Berthe donnat le bras a son mari, et il les fit marcher
devant lui en les regardant.
Et a se dire qu'elle serait heureuse, il se sentait plus courageux;
|