parce
qu'elle s'endormait aussitot qu'elle se couchait, la Maman se reveillait
tot, et il n'y avait pas a craindre de troubler son sommeil:
--Entre, dit-elle.
Apres qu'il l'eut embrassee dans son lit; elle lui demanda d'ouvrir les
volets.
--Que je te voie, dit-elle.
Il fit ce qu'elle desirait, et les rayons obliques du soleil levant
emplirent la chambre de leur claire lumiere rosee.
Il revint s'asseoir aupres du lit en faisant face a sa mere.
--Comment vas-tu? demanda-t-elle en le regardant.
--Je vais comme toujours.
Elle l'examina longuement.
--Tire donc les rideaux, dit-elle, et laisse la fenetre ouverte; je ne
te vois pas bien.
--Ne vas-tu pas avoir froid?
--Il fait un temps superbe.
--L'air est vif.
--Va donc.
Il obeit et revint prendre sa place, decide a aborder l'entretien
decisif qui devait assurer le mariage de Berthe.
--Comme tu es pale! dit-elle en le regardant de nouveau; comme tes
traits sont contractes! Tu n'es pas bien, mon garcon.
--Mais si.
--Il ne faut pas me dementir; j'ai encore de bons yeux quand il s'agit
de toi; quand tu etais petit et que tu devais etre malade, je le voyais
avant tout le monde, avant ton pere, avant le medecin; je leur disais:
"Constant va avoir quelque chose"; je ne me suis jamais trompee: les
meres ont des yeux pour lire dans leurs enfants. Qu'est-ce que tu as? Ce
n'est pas d'aujourd'hui que ca ne va pas. Pendant les quinze jours que
tu viens de passer avec nous, j'ai bien des fois remarque que tu etais
tantot pale, tantot rouge, sans raison; il n'y avait des instants ou tu
etouffais, d'autres ou tu n'entendais pas ce qu'on te disait.
A mesure que sa mere parlait, une idee s'eveillait dans son esprit, qui,
lui semblait-il, devait assurer le mariage de Berthe.
--Il est vrai, repondit-il, que je suis tres tourmente.
--Par tes affaires?
--Par l'etat de ma sante et par le mariage de Berthe.
--Qu'est-ce que tu as, mon garcon? demanda-t-elle d'un accent attendri,
a qui parleras-tu, si ce n'est a ta mere.
--J'aurai voulu t'eviter un grand chagrin: demain, dans une heure, je
peux etre mort.
--Qu'est-ce que tu me dis-la! Toi, mon Constant!
--La verite; et la pensee que je peux partir sans que la vie de Berthe
soit fixee, sans que son bonheur soit assure m'est une angoisse....
--Mon pauvre enfant? Est-ce possible! Mourir! A ton age!
--Si je n'etais pas sur de ce que je dis, t'en parlerais-je?
--Mais qu'est-ce que tu as?
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