opposition n'empeche rien,
elle comprendra qu'il est inutile de persister dans son refus, qui n'a
d'autre resultat que de nous rendre tous malheureux, elle et nous; et
puis, il est bon qu'elle connaisse mieux Michel: c'est un charmeur; il
est bien capable de prendre le coeur de la grand'maman comme il a pris
celui de la petite-fille.
Berthe vint a son pere et l'embrassa en restant penchee sur lui un peu
plus longtemps peut-etre qu'il n'en fallait pour un simple baiser.
--Nous avons quinze jours a nous, dit Adeline, employons-les bien; et,
pour commencer, soyez avec Maman comme a l'ordinaire, ne paraissez pas
vouloir la flechir par trop de soumission, ni l'eloigner par trop de
raideur.
Mais ce fut la Maman qui ne se montra pas ce qu'elle etait d'ordinaire,
quand le lendemain son fils lui annonca que Michel Debs dinerait le soir
avec eux.
--Un juif a notre table! s'ecria-t-elle dans un premier mouvement de
surprise et d'indignation.
Mais aussitot elle se calma:
--Tu es le maitre, dit-elle.
--Nous faisons chacun ce que nous croyons devoir faire; moi, pour ne pas
desesperer ma fille; toi... pour ne pas blesser ta conscience.
Adeline n'etait pas sans inquietude quand il se demandait comment se
passerait ce diner, et quel accueil la Maman ferait a Michel: il fallait
qu'elle sentit qu'il etait vraiment le maitre, comme elle le disait, et
qu'elle crut que par son opposition elle n'empecherait pas le mariage de
sa petite-fille; ces deux preuves faites pour elle, il semblait probable
qu'elle ne persisterait pas dans un refus dont elle reconnaitrait
elle-meme l'inutilite.
Mais ses craintes ne se realiserent pas: si la Maman n'accueillit pas
Michel en ami et encore moins en petit-fils, au moins ne lui fit-elle
aucune algarade; quand il lui adressa la parole, elle voulut bien lui
repondre, et elle le fit sans mauvaise humeur apparente, comme s'il
etait un inconnu ou un indifferent qu'elle ne devait jamais revoir.
Quand, apres le diner, Michel, qui avait une tres jolie voix de tenor,
chanta avec Berthe le duo de _Faust_: "Laisse-moi, laisse-moi contempler
ton visage," elle ne quitta pas le salon, et sa seule manifestation de
mecontentement fut de dire a sa belle-fille:
--Si j'avais eu une fille, je ne lui aurais jamais laisse chanter de
pareilles polissonneries avec un jeune homme.
Madame Adeline voulut marcher dans le meme sens que son mari:
--Quand ce jeune homme est un fiance? dit-elle.
La Maman resta
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