ndre autrement a cette menace! Mais quelle autre reponse possible
sans se deshonorer? car telle etait la situation que, quoi qu'il fit,
c'etait toujours le deshonneur qui se trouvait au denouement: par
lui-meme s'il cedait, par ces miserables s'il resistait. Et quand
il cederait, quand il donnerait ces quatre-vingt-sept mille francs,
s'arreteraient-ils la? ne le devoreraient-ils pas jusqu'aux os tant
qu'il y aurait un morceau a manger? Et, bien qu'il se dit qu'il ne
pouvait faire que cette reponse, a chaque instant il se repetait la
conclusion de Lepargneux: "Vous n'avez donc pas compris que cette etude
doit vous perdre a la Chambre, vous perdre a Elbeuf, tuer le depute,
ruiner le commercant, empecher le mariage de votre fille?"
Le mariage de sa fille, comment s'en occuper maintenant? Ou trouver
assez de calme pour agir continuellement sur l'esprit de la Maman?
Trois jours apres, en depouillant son courrier, ce qu'il ne faisait plus
qu'en tremblant et autant que possible en cachette de sa femme, de peur
de se trahir devant elle, il trouva une lettre dont l'ecriture etait
visiblement deguisee:
"Monsieur,
"Il se prepare contre vous une machination pour vous faire chanter en
vous menacant de devoiler certains procedes de jeu qui vous auraient
fait gagner de grosses sommes. J'ai le moyen d'empecher ces machinations
s'il vous convient d'entrer en arrangement avec moi. Vous pouvez me
repondre: poste restante A.G. 913."
Bien entendu, il ne repondit pas, et ne chercha meme pas a imaginer quel
pouvait etre ce protecteur qui offrait "contre arrangement" d'arreter
ces machinations.
Un autre jour, il recut, toujours sous enveloppe, un second numero du
_Francois 1er_ qui annoncait que l'enquete qu'il avait commencee sur
certains joueurs touchait a sa fin, et qu'il en publierait prochainement
le resultat... "etonnant".
Ainsi l'attaque se resserrait de plus en plus autour de lui; un jour
ou l'autre le scandale eclaterait sans qu'il eut pu rien faire pour le
prevenir.
A la verite, il y avait des heures ou il se disait que ceux qui le
connaissaient n'ajouteraient pas foi a ces accusations, et qu'a la
Chambre pas plus qu'a Elbeuf il ne se trouverait personne pour croire
qu'il avait pu tricher au jeu; mais tout le monde ne le connaissait pas,
et d'ailleurs il y avait le gain des 87,000 francs qui, quoi qu'il fit,
quoi qu'il dit, laisserait toujours dans les esprits, meme de ceux qui
lui seraient favorables, une mauvaise
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