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d'Adeline pour l'embarras d'un homme qui n'aime pas qu'on lui parle en
face de certaines choses, aussi avait-il evite de le regarder pendant la
fin de son discours. Que signifiait ce cri? Est-ce qu'il se fachait, le
president?
--Envoyez-moi M. de Mussidan, dit Adeline, c'est a lui que je repondrai.
--Mais...
--Envoyez-moi M. de Mussidan.
Barthelasse sortit, assez inquiet. Frederic n'etait pas loin.
--Eh bien?
--Je ne sais pas trop: ca a bien commence, et puis ca parait se facher;
il est incomprehensible, cet homme; au reste, il va s'expliquer avec
vous, il vous demande.
Frederic entra dans le cabinet et trouva Adeline le visage convulse.
--Le miserable a tout dit, s'ecria Adeline les poings leves, vous, vous
un Mussidan, vous avez fait de moi un voleur!...
Frederic resta un moment decontenance, puis se remettant:
--Voleur! Pourquoi voleur? Est-ce qu'au jeu il y a des voleurs!
QUATRIEME PARTIE
I
Voleur!
C'etait le mot qu'Adeline se repetait en suivant l'avenue de l'Opera
pour rentrer rue Tronchet; il rasait les maisons et marchait vite, son
chapeau bas sur le front, n'osant lever les yeux de peur qu'on ne le
reconnut et qu'on ne lui jetat le mot qu'il se repetait:
--Voleur!
Pourquoi allait-il chez lui? Il n'en savait rien. Pour se cacher. Parce
qu'il avait besoin d'etre seul. Pour qu'on ne le vit point; pour qu'on
ne lui parlat point.
Tout le monde ne savait-il pas qu'il etait un voleur? L'allusion de ce
joueur a la "suite" le prouvait bien; et par cela seul qu'il ne l'avait
pas immediatement relevee, il avait passe condamnation, exactement comme
ce Salzman qui sous le coup de cette injure avait si piteusement courbe
le front.
Comment prouver qu'au lieu d'etre complice de ce vol il en etait
lui-meme victime? Ou trouverait-il quelqu'un, meme parmi ceux qui le
connaissaient, meme parmi ses amis, pour accepter une justification
aussi invraisemblable? Qui le connaitrait maintenant, ou plutot qui le
reconnaitrait? Qui aurait le courage de continuer a rester son ami?
Arrive chez lui, il n'alluma pas de lumiere, mais, se laissant tomber
dans un fauteuil, il resta la aneanti; un flot de larmes jaillit de ses
yeux; comme un enfant qui vient de perdre sa mere, comme un amant
de vingt ans abandonne par sa maitresse, il pleurait miserablement,
desesperement, abime dans sa faiblesse: c'etaient sa fierte, sa dignite,
son honneur, sa vie qui etaient perdus a jamais, c'etaient la
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