ssiste a notre entretien, vous verriez que je
n'exagere rien et vous seriez aussi inquiet que moi. Apres le premier
moment de surprise, quand il m'a raconte l'histoire du prince de Heinick
et qu'il a exige l'expulsion de Julien, de Theodore, severement, comme
un juge qui s'adresse a un coupable, je me suis vite remis et tout de
suite je lui ai longuement explique toutes les precautions que nous
prendrions, tous les sacrifices que nous nous imposerions pour que de
pareilles choses ne puissent pas se renouveler, c'etait a peine s'il
m'ecoutait; lui qui autrefois eut voulu explications sur explications,
il avait l'air de me dire: "Vous savez que tout cela m'est indifferent,
ce n'est pas pour moi"; et c'est ce qui a commence a me donner l'eveil.
Si son intention avait ete de rester avec nous, il m'eut interroge au
lieu de me fermer la bouche.
--Mais alors pourquoi exiger le renvoi de Julien et de Theodore? demanda
Barthelasse.
--Pour faire justice avant de partir; d'ailleurs vous devez bien penser
qu'au premier mot je ne lui ai pas laisse le temps d'exiger, j'ai pris
les devants.
--Mes pressentiments sont les memes que ceux de Frederic, dit Raphaelle;
il doit vouloir se retirer. Que deviendrons-nous?
Il y eut un moment de silence et ils se regarderent comme pour chercher,
dans les yeux des uns des autres, les idees qu'ils ne trouvaient pas en
eux.
--Je vais vous dire, s'ecria Barthelasse, cet homme a trop perdu; s'il
avait gagne, il ne demanderait qu'a continuer; mais toujours perdre, je
m'imagine que ca degoute.
--Il n'a pas assez perdu, repliqua Raphaelle; s'il nous devait deux cent
mille francs, nous le tiendrions.
--S'il joue encore, on pourrait les lui faire perdre, dit Frederic.
--Moi, je suis pour qu'on les lui fasse gagner, continua Barthelasse.
D'abord ca n'appauvrira pas la caisse, qui n'a ete que trop soulagee par
cette canaille de prince, et puis il n'y a rien qui attache les gens
comme le succes, c'est la lecon de la morale.
Raphaelle et Frederic n'etaient pas en situation de plaisanter,
cependant cette lecon de la morale invoquee par ce vieux crocodile de
Barthelasse, comme ils l'appelaient entre eux, les fit rire:
--Riez, riez, continua Barthelasse: je sais ce que je dis, j'ai des
exemples: il y a sept ans, a Luchon, M. Jules Ramot me devait cinquante
mille francs et je commencais a comprendre que j'aurais bien du mal a
les rattraper jamais. Alors, qu'est-ce que j'ai fait? je lui ai pass
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