partir; par la meme occasion il verrait
Adeline, et ce fameux cercle dont Michel parlait si souvent. Vers six
heures, il alla attendre Adeline a la sortie de la Chambre.
--Je _fiens tiner_ avec _fous_ a _fotre_ cercle.
Bunou-Bunou, charge de son portefeuille qu'il trainait a bout de bras,
accompagnait Adeline; la presentation eut lieu en regle, et le pere Eck
exprima toute la satisfaction qu'il eprouvait a connaitre un depute
dont il avait lu si souvent le nom dans les journaux. Ordinairement ce
n'etait pas un bon moyen pour mettre en belle humeur Bunou-Bunou que
de lui parler des journaux, tant ils s'etaient moques de lui, mais la
physionomie ouverte du pere Eck et son air bonhomme effacerent vite la
mauvaise impression que ce mot "journaux" avait commence a produire..
Ce fut en s'entretenant de choses et d'autres qu'ils gagnerent l'avenue
de l'Opera. Quand, en montant le grand escalier, Adeline vit les regards
etonnes que le pere Eck promenait autour de lui, sur les revetements de
marbre aussi bien que sur la livree fleur de pecher des valets de pied,
il sourit interieurement, comme si ce luxe lui etait personnel et devait
eblouir le futur oncle de Berthe.
--Voulez-vous que je vous montre nos salons? dit-il en entrant dans le
hall.
--Je n'avais aucune idee de ce qu'est un cercle, c'est tres _peau_.
Dans chaque salon, le pere Eck apres avoir promene partout un regard
curieux, et tate le tapis du pied, en homme qui connait la qualite de la
laine, repetait a mi-voix pour ne pas troubler l'auguste silence de ces
vastes pieces:
--C'est tres _peau_.
En attendant le diner, ils se retirerent dans le cabinet d'Adeline avec
Bunou-Bunou et quelques commercants qui connaissaient le pere Eck. Comme
ils etaient la a causer, M. de Cheylus entra, et s'arreta a la porte
pour ecouter le pere Eck qui lui tournait le dos, et soutenait une
discussion contre Bunou-Bunou.
--Ah! ah! dit M. de Cheylus s'avancant, il me semble reconnaitre
l'accent de mon ancien departement.
--M. le comte de Cheylus, ancien prefet de Strasbourg, dit Adeline; M.
Eck, de la maison Eck et Debs.
Mais le pere Eck n'aimait pas qu'on le plaisantat sur son accent:
--Oui, monsieur, dit-il en venant a M. de Cheylus, je suis Alsacien,
ou si je ne le suis _blus_ ce n'est _bas_ ma faute, c'est celle de
certaines _bersonnes_; je suis fier de mon accent et je voudrais en
_afoir_ davantage pour hisser haut le drapeau de mon pays.
Puis s'adoucissan
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