t-a-dire une figure et un neuf (le plus haut point pour gagner),
ce fut aussi en beau banquier, sans faire languir la galerie et sans
empressement de mauvais gout, qu'il mit ses cartes sur la table.
Il n'y eut qu'un cri:
--Et il ne voulait pas jouer!
Bien qu'Adeline s'efforcat de se contenir, il exultait, car sa joie
allait au dela du coup gagne, qui par lui-meme ne donnait reellement
qu'un resultat peu important: il avait la chance; maintenant la preuve
etait faite, et elle confirmait ses pressentiments bases sur les
esperances de sa jeunesse: quelle faute il eut commise de ne point
tenter l'aventure!
Ce fut avec une parfaite serenite qu'il donna les cartes pour le second
coup; jamais on n'avait vu un banquier aussi tranquille; c'etait a
croire que le gain comme la perte lui etaient indifferents; les vieux
joueurs qui l'examinaient d'un oeil curieux etaient demontes par son
assurance:
--Qui aurait cru cela de lui?
Pour eux comme pour beaucoup d'autres d'ailleurs, il avait ete admis
jusqu'a ce moment que, s'il ne jouait pas, c'etait tout simplement
parce qu'il n'etait pas en situation de supporter une perte de quelque
importance.
Le second coup fut insignifiant, le banquier perdit au tableau de droite
et gagna au tableau de gauche; le troisieme, le quatrieme furent
pour lui, quand il arriva a sa derniere taille, il etait en benefice
d'environ une vingtaine de mille francs.
Alors sa serenite s'envola et de nouveau l'emotion lui etreignit le
coeur, des gouttes de sueur lui coulerent dans le cou: sans doute ce
n'etait point une fortune, celle dont il avait reve quand il balancait
la question de savoir s'il jouerait ou ne jouerait point, mais c'etait
une somme, et le dernier coup qui lui restait pouvait la doubler ou la
reduire a rien; enfin, ce dernier coup allait decider si oui ou non il
avait la chance,--ce qui etait le grand point.
Cette fois ce ne fut pas en beau banquier qu'il donna les cartes; il
semblait qu'elles ne pouvaient se detacher de ses doigts, comme s'il
esperait, en les gardant dans ses mains, leur donner le temps de devenir
ce qu'il desirait qu'elles fussent: lentement, il releva les siennes,
n'osant pas les regarder.
Il avait cinq.
La situation etait critique; qu'allaient faire ses adversaires? Ils ne
demanderent de cartes ni l'un ni l'autre.
Depuis qu'il vivait dans son cercle, il avait les oreilles rebattues par
les discussions sur le tirage a cinq: doit-on ou ne doit-on pas
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