dont il vivait; et il termina en proposant a mon mari de le faire
recevoir membre du _Grand I_. Je suppliai si bien mon mari qu'il refusa;
mais il accompagna M. Fastou quelquefois... pour rencontrer ces amateurs
qui devaient nous acheter des tableaux.
--Et alors? demanda Adeline anxieusement, car bien souvent il avait vu
Combaz a la table de baccara.
--Aujourd'hui, notre hotel est hypotheque pour 80,000 francs,
c'est-a-dire a peu pres pour sa valeur actuelle; tous les tableaux que
mon mari avait dans son atelier ont ete emportes, et une partie de
l'ameublement, ce qui etait de vente sure et facile, a suivi les
tableaux.
--Mais la caisse du cercle ne prend pas des hypotheques, s'ecria
Adeline, elle n'achete pas des tableaux!
--La caisse, non, mais le caissier, ou le chef de partie, je ne sais
comment vous l'appelez, celui qui prete aux joueurs: Auguste.
--C'est impossible, interrompit Adeline qui croyait savoir qu'Auguste
n'etait qu'un petit employe.
--Vous croyez, monsieur, moi je sais; en tout cas, si ce n'est pas a
son profit qu'Auguste a prete les sommes perdues par mon mari, c'est
au profit de ceux qui l'emploient, et pour nous le resultat est le
meme,--c'est la ruine; encore quelques meubles, quelques tentures et
quelques tapis vendus, et il ne nous restera rien, car l'hotel ne
tardera pas a etre vendu, lui aussi, puisque nous ne pourrons pas payer
les interets de la somme pour laquelle il est hypotheque. Vous voyez
notre situation: en trois mois tout a ete englouti; mon mari ne
travaille plus, il est le plus malheureux homme du monde, la fievre le
devore; il ne dort plus, il ne mange plus; j'ai peur que le desespoir
de nous avoir perdus ne le pousse au suicide. Deja il n'ose plus me
regarder et, quand il embrasse ses filles, c'est avec des elans qui
m'epouvantent. Vous comprenez maintenant comment j'ai eu le courage de
m'adresser a vous. Que mon mari ne puisse plus jouer dans votre cercle,
il ne trouvera pas a jouer ailleurs, puisqu'il est ruine, et il me
reviendra, je le consolerai, je le soutiendrai, il se remettra au
travail, quand ce ne serait qu'a des illustrations; vous l'aurez gueri;
vous nous aurez sauves.
Adeline secoua la tete, et se parlant a lui-meme plus encore peut-etre
qu'a madame Combaz, il murmura:
--Guerit-on les joueurs?
Croyant que c'etait a elle que cette exclamation s'adressait, vivement
elle repondit:
--Oui, on les guerit, et mon mari en est un exemple vivant: nous avo
|