ois il avait cru devoir
adresser des avertissements a quelques-uns de ceux qui, pour une raison
ou pour une autre, l'interessaient plus particulierement.
Et dans les premiers temps, amicalement, cordialement, en leur prenant
le bras et en le passant sous le sien comme on fait avec un camarade,
il leur avait dit ce qu'il croyait propre a leur ouvrir les yeux, les
grondant, les chapitrant. Quelquefois meme, dans des cas graves, il
les avait fait comparaitre dans son cabinet de president, et la, entre
quatre yeux, il les avait serieusement avertis: "Vous jouez trop gros
jeu, mon jeune ami, et, permettez-moi de vous le dire, un jeu qui n'est
pas en rapport avec vos ressources."
Mais il ne lui avait pas fallu longtemps pour reconnaitre que ses
discours les plus affectueux etaient aussi peu efficaces que les
semonces les plus vertes; tendres ou dures, ses paroles ne produisaient
aucun effet.
Alors il avait renonce aux discours, avec regret il est vrai, mais enfin
il y avait renonce, n'etant point homme a persister dans une tache dont
il reconnaissait lui-meme l'inutilite.
--Ils sont trop betes! s'etait-il dit.
Mais pour ne plus faire le Mentor, il ne renoncerait pas a faire le
president: c'etait lui qui avait la charge de l'honneur de son cercle,
et l'honneur du _Grand I_ etait que le jeu y fut contenu dans des
limites raisonnables.
Il veillerait a cela; il protegerait les joueurs malgre eux et contre
eux: son cercle ne deviendrait pas un tripot.
Alors on l'avait vu rester tard au cercle et quelquefois meme y passer
la plus grande partie de la nuit: continuellement il circulait dans les
salons, rodant autour des tables, regardant le jeu comme s'il avait
eu mission de le surveiller; parfois, on l'apercevait endormi dans un
fauteuil, surpris par la fatigue; mais, aussitot qu'il s'eveillait, il
reprenait ses promenades en cherchant a savoir ce qui s'etait passe
pendant qu'il sommeillait.
Plus d'une fois il etait arrive que pendant qu'il se tenait debout, les
mains dans ses poches a cote de la table de baccara, un joueur lui avait
dit:
--Et vous, mon president, n'en taillez-vous donc pas une?
Et alors il avait repondu en haussant les epaules
--Le baccara! mais c'est a peine si je sais les regles de ce jeu, si
simples cependant.
--C'est si facile.
--Plus facile qu'amusant: il y a des presidents dont c'est la force de
ne pas toucher une carte... et je suis de ceux-la.
Jusqu'alors Frederic, qui avait
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