e bonne figure; je me
suis tenue a quatre pour ne pas le mettre moi-meme a la porte; c'est un
scandale, une abomination; tout Elbeuf sait qu'il vient chez nous pour
Berthe; a la messe on me regarde.
Il etait vrai que tout Elbeuf s'occupait du mariage de Michel Debs avec
Berthe Adeline. Des discussions s'etaient engagees sur ce sujet. On
ne parlait que de cela. Et comme ni les Eck et Debs, ni les Adeline
n'avaient fait de confidence a personne, on se demandait si c'etait
possible. Pour tacher de deviner quelque chose, les devotes de
Saint-Etienne devisageaient la vieille madame Adeline, et devant ces
regards elle s'exasperait, elle s'indignait, non pas tant parce qu'elle
etait un objet de curiosite que parce qu'elle devinait les hesitations
de celles qui l'examinaient: comment pouvaient-elles la croire capable
d'accepter un pareil mariage!
--Maintenant, reprit-elle, tu vas me repondre franchement et decider
entre ta femme et moi: autorises-tu ces visites? Parle.
Si Normand que fut Adeline, il lui etait difficile de ne pas repondre a
une question posee en ces termes et avec cette solennite; cependant il
l'essaya.
--Je fai dit que c'etait une sorte d'epreuve.
--Alors tu les autorises?
--Mais....
--Oui ou non, les autorises-tu? Autrement consens-tu a ce que je fasse
comprendre a ce jeune homme... poliment qu'il ne doit plus se presenter
ici?
Cette fois, il n'y avait plus moyen de reculer.
--C'est impossible, dit-il.
Il allait expliquer et justifier cette impossibilite, elle lui coupa la
parole.
--Roule-moi dans ma chambre.
--Mais, Maman.
--Je te demande de me rouler dans ma chambre. Si je pouvais me servir de
mes jambes, je serais deja sortie. Je t'ai deja dit ce que je pensais de
ce mariage: mieux vaut que Berthe ne se marie jamais que de devenir la
femme d'un juif. Je te le repete. Je sais bien que tu n'as pas besoin de
mon consentement pour faire ce mariage, mais reflechis a ce que je te
dis: il n'aura jamais ma benediction.
--Mais, Maman....
--Roule-moi dans ma chambre.
Il n'y avait pas a discuter, il fit ce qu'elle demandait, et,
tristement, il revint aupres de sa femme.
--Tu vois, dit celle-ci.
--Et justement au moment ou j'apportais de bonnes nouvelles, ou je
croyais qu'un pas decisif etait fait pour assurer ce mariage.
--Quelle bonne nouvelle? demanda-t-elle avec plus d'apprehension que
d'esperance, comme ceux que le sort a frappes injustement et qui n'osent
plus croire
|