que je voudrais
les garantir. Il n'a ete donne une rame a l'homme, reduit a naviguer
dans une nacelle fragile, que pour qu'il puisse se guider selon sa
volonte et son jugement, au lieu de suivre le cours aveugle
des flots.
Comment un jeune homme pourrait-il trouver blamable et nuisible ce
que tout le monde fait et approuve? Pourquoi resisterait-il seul a
la tendance de tous?
Le plus grand mal de notre epoque ou rien ne peut arriver a sa
maturite, est de consommer chaque jour le produit de chaque jour,
sans jamais songer a garder quelque chose pour l'avenir. Nous avons
des journaux pour le soir et d'autres pour le matin, et l'on ne
tardera sans doute pas a en inventer pour les heures intermediaires.
Cette manie traine a la barre du public tout ce que chacun reve ou
se propose de faire; on ne peut plus ni souffrir ni se rejouir que
pour amuser les autres. Les evenements les plus intimes sont
colportes de maison en maison, de ville en ville, et d'empire en
empire; bientot ils passeront d'une partie du monde a l'autre a
l'aide de quelques velociferes.
Il serait aussi impossible d'eteindre les machines a vapeur du monde
materiel, que d'arreter ce mouvement du monde moral. La vivacite du
commerce, le froissement du papier qui remplace l'argent monnaye, la
recrudescence de la dette pour payer des dettes, voila les elements
monstrueux au milieu desquels les jeunes hommes se trouvent jetes
aujourd'hui. Qu'ils rendent grace a la nature si elle leur a donne
un esprit assez juste et assez calme pour ne pas se laisser
entrainer par le monde, ou pour ne pas lui demander l'impossible.
Dans chaque cercle d'activite l'esprit de l'epoque poursuit et
menace les jeunes hommes; aussi ne saurait-on leur montrer trop tot
le point vers lequel ils doivent diriger leur volonte.
Plus on avance en age, plus on sent l'importance des paroles et des
actions les plus innocentes. Cette conviction m'engage a faire
remarquer a tous ceux qui m'entourent, la difference qui existe
entre la sincerite, la confiance et l'indiscretion; c'est-a-dire,
qu'il n'y a pas de difference, mais une gradation lente comme celle
qui conduit de la chose la plus indifferente a la plus nuisible, et
qu'il faut sentir, car elle ne peut se raisonner.
C'est sur cette gradation qu'il faut regler notre conduite, si nous
ne voulons pas perdre la bienveillance des hommes, sur la meme route
ou nous sommes parvenus a la gagner. L'experience nous apprend
toujou
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