e beau avec la meme raison qu'il agit, celui
qui possederait en lui-meme une plus grande, une plus parfaite
beaute artistique, serait toujours superieur a toutes les
manifestations exterieures.
La forme qui passe dans la matiere se detend et devient plus faible
que celle qui est restee enfermee dans la pensee; car tout ce qui
dans cette pensee est susceptible d'eloignement, s'eloigne de
soi-meme. C'est ainsi que la force sort de la force, la chaleur de
la chaleur, la beaute de la beaute. C'est ce qui explique pourquoi
la faculte productive est toujours plus excellente que l'objet
produit. Ce n'est pas la musique primitive qui fait le musicien,
mais la musique; et la musique, qui est au-dela de nos sens, produit
la musique accessible a nos sens.
Si quelqu'un voulait dedaigner les arts, parce qu'ils ne sont qu'une
imitation de la nature, on pourrait repondre que les arts n'imitent
pas simplement ce que voient nos yeux, mais qu'ils remontent aux
lois de la raison qui font la stabilite de la nature et dirigent
ses actes.
Les arts, au reste, puisent fort souvent dans leur propre fonds; ils
pretent a la nature des perfections qu'elle n'a pas et qu'ils
possedaient, puisqu'ils ont en eux le vrai beau. C'est ainsi que
Phidias a pu faire un dieu sans imiter ce qu'il avait materiellement
vu; car sa pensee d'artiste avait concu Jupiter, tel qu'il pourrait
et devrait etre, s'il apparaissait a nos yeux.
Il n'est pas etonnant que les idealistes de tous les temps,
insistent sur la conservation intacte de l'unite d'ou decoule toute
chose et vers laquelle tout retourne; car le principe ordonnateur et
producteur est serre de si pres par les manifestations, qu'il ne
sait plus que devenir. Cependant nous resserrons la portee de notre
entendement, quand nous renvoyons a une unite inaccessible a nos
sens exterieurs et interieurs, non seulement ce qui produit la
forme, mais la forme elle-meme.
L'homme est force de se borner a l'extension et au mouvement; aussi
est-ce par ces deux formes que se manifestent toutes les autres
formes, surtout celles qui sont visibles et accessibles a nos sens.
La forme spirituelle seule ne perd rien en se manifestant, en
admettant, toutefois, que cette manifestation est reelle et viable.
En ce cas, le produit n'est jamais inferieur au principe producteur,
il peut meme etre plus excellent que lui.
Il serait bon, sans doute, de developper cette opinion, et de la
rendre pour ainsi dire palp
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