s les oeuvres des hommes comme dans celles de la nature, il n'y a
de reellement digne de notre attention que les intentions.
L'homme ne se trompe si souvent par rapport a lui et par rapport aux
autres, que parce qu'il voit un but dans un moyen; et qu'a force de
vouloir agir en ce sens, il ne fait rien, ou fait le contraire de ce
qu'il devrait faire.
Quand nous avons reflechi sur une chose, et que nous avons pris la
resolution de l'executer, elle devrait etre si pure et si belle, que
le monde ne pourrait plus que gater notre oeuvre; par la nous
conserverions toujours intact l'immense avantage de retablir ce qui
a ete detruit, de rassembler ce qui a ete disperse.
Les erreurs, lors meme qu'elles ne seraient pas completes, sont
toujours difficiles a rectifier; car il faut conserver ce qu'il y
avait de vrai et le mettre a la place ou il doit etre.
Le vrai n'a pas toujours besoin de se corporifier; c'est deja
beaucoup quand il plane ca et la comme un pur esprit et eveille des
sympathies intellectuelles, quand il vibre dans l'air doux et grave
comme le son d'une cloche.
Les idees generales et les grandes vanites sont toujours sur le
point de causer d'immenses malheurs.
Souffler dans une flute, ce n'est pas en jouer; il faut remuer les
doigts.
Les botanistes admettent une classe de plantes qu'ils appellent
incompletes. On pourrait dire avec autant de justesse qu'il y a une
classe d'hommes incomplets; et j'appelle ainsi tous ceux qui ne
savent pas mettre leurs desirs et leurs tendances en harmonie avec
leurs facultes. L'homme le plus insignifiant est complet s'il sait
se renfermer dans le cercle de ses capacites, tandis que les plus
belles qualites s'obscurcissent, s'aneantissent meme sans cette
indispensable loi de proportion. L'absence de cette loi est un mal
que l'esprit des temps modernes augmente chaque jour; car qui
pourrait suffire a la marche rapide et aux exigences d'un present
toujours progressif?
Les hommes sagement actifs, qui connaissent leurs forces et qui les
utilisent avec prudence, prosperent toujours dans les affaires de
ce monde.
C'est un grand defaut de se croire plus qu'on n'est, ou de s'estimer
moins qu'on ne vaut.
Je rencontre de temps en temps des jeunes gens auxquels je ne trouve
rien a changer, rien a corriger, et cependant ils me donnent des
inquietudes, parce que je les vois disposes a suivre le torrent de
leur epoque. C'est precisement de cette disposition
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