rtable que de parler des _choses de l'autre monde_. Il a
exprime cette opinion dans un certain paragraphe dont, sans doute,
il n'etait pas satisfait, puisqu'il l'a change quatorze fois. Deux
de ces variantes sont arrivees jusqu'a nous; j'ai moi-meme ose en
faire une troisieme que les reflexions precedentes m'autorisent a
inserer ici.
"L'homme est une realite placee au centre d'un monde reel, il a ete
doue d'organes qui lui permettent de connaitre l'arbitraire et le
possible. Tout homme en etat de sante a la conscience de son
existence et de toutes les existences qui l'entourent; cependant il
y a toujours une place creuse dans son cerveau, c'est-a-dire une
place ou ne se reflete aucun objet, comme il y a dans l'oeil un
point qui ne voit point. L'homme qui s'occupe trop de cette place et
prend plaisir a s'y perdre, s'attire ainsi une maladie d'esprit, et
pressent des choses d'un _autre monde_, qui ne sont que des riens
sans force et sans limites, et qui pourtant poursuivent, comme
autant de fantomes terribles, celui qui n'a pas la force de
s'arracher a leur nocturne empire."
Il est inutile de demander si l'historien est au-dessus du poete, ou
le poete au-dessus de l'historien, car ce ne sont ni des rivaux ni
des concurrents; chacun d'eux a sa couronne qui lui est propre.
L'historien a un double devoir a remplir, d'abord envers lui-meme,
puis envers ses lecteurs. Pour se satisfaire lui-meme, il est oblige
de s'assurer que les faits qu'il rapporte sont reellement arrives;
pour satisfaire ses lecteurs, il est oblige de le prouver. La
maniere dont il agit envers lui-meme est l'affaire de ses collegues,
le public ne doit pas etre initie dans le secret de la grande
question qui est de savoir ce que l'on peut admettre comme
incontestable dans l'histoire.
Il en est des livres nouveaux comme des connaissances nouvelles: au
premier abord une conformite generale ou un rapprochement partiel
sur un seul point de notre existence, nous suffisent; mais un
commerce plus intime nous fait decouvrir une foule de differences et
d'oppositions. Alors il ne faut pas, a l'exemple de la jeunesse
inconsideree, reculer d'epouvante; la raison nous ordonne au
contraire de fixer les conformites et de s'eclairer sur les
differences, sans songer toutefois, a etablir une union parfaite.
Lorsqu'on vit familierement avec les enfants, on reconnait que, chez
eux, chaque impression exterieure est suivie d'une contre-impression,
toujours p
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