plir.
Les doutes que l'on pourrait avoir en philosophie, en religion, en
politique, les civilites pueriles et honnetes sont la pour les combler;
ainsi ne vous embarrassez donc pas pour si peu. La civilisation vous
absorbe; les mille et un rouages de la grande machine sociale vous
engrenent; vous vous tremoussez dans l'espace; vous vous abetissez dans
le temps, grace a la vieillesse: vous faites des enfants qui seront
aussi betes que vous. Puis enfin, vous mourez, muni des sacrements de
l'Eglise; votre cercueil est inonde d'eau benite, on chante du latin en
faux bourdon autour d'un catafalque a la lueur des cierges; ceux qui
etaient habitues a vous voir vous regrettent si vous avez ete bon durant
votre vie, quelques-uns meme vous pleurent sincerement. Puis enfin, on
herite de vous.
Ainsi va le monde!
Tout cela n'empeche pas, mon ami, qu'il n'y ait sur cette terre de fort
braves gens, des gens foncierement honnetes, organiquement bons, faisant
le bien pour la satisfaction intime qu'ils en retirent: ne volant pas
et n'assassinant pas, lors meme qu'ils seraient surs de l'impunite,
parce qu'ils ont une conscience qui est un controle perpetuel des actes
auxquels leurs passions pourraient les pousser; des gens capables
d'aimer, de se devouer corps et ame, des pretres croyant en Dieu et
pratiquant la charite chretienne, des medecins bravant les epidemies
pour sauver quelques pauvres malades, des soeurs de charite allant au
milieu des armees soigner de pauvres blesses, des banquiers a qui vous
pourrez confier votre fortune, des amis qui vous donneront la moitie de
la leur; des gens, moi par exemple sans aller chercher plus loin, qui
seraient peut-etre capables, en depit de tous vos blasphemes, de vous
offrir une affection et un devouement illimites.
Cessez donc ces boutades d'enfant malade. Elles viennent de ce que vous
revez au lieu de reflechir; de ce que vous suivez la passion au lieu de
la raison.
Vous vous calomniez, lorsque vous parlez ainsi. Si je vous disais que
tout est vrai dans votre fin de lettre et que je vous crois tel que vous
vous y depeignez, vous m'ecririez aussitot pour protester, pour me dire
que vous ne pensez pas un mot de toute cette atroce profession de foi;
que ce n'est que la bravade d'un coeur plus tendre que les autres; que
ce n'est que l'effort douloureux que fait pour se raidir la sensitive
contractee par la douleur.
Non, non, mon ami, je ne vous crois pas, et vous ne vous croyez pas
vou
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