ant a la case par un gai soleil
d'hiver, je vis dans mon quartier cinq cents personnes et des pompes.
--Qu'est-ce qui brule? demandai-je avec impatience.
J'avais toujours eu un pressentiment que ma maison brulerait.
--Cours vite, Arif! me repondit un vieux Turc, cours vite, Arif!
c'est ta maison!
Ce genre d'emotion m'etait encore inconnu.
Je m'approchai pourtant d'un air indifferent de ce petit logis que nous
avions arrange l'un pour l'autre, elle pour moi, moi pour elle, avec
tant d'amour.
La foule s'ouvrait sur mon passage, hostile et menacante; de vieilles
femmes en fureur excitaient les hommes et m'injuriaient; on avait senti
des odeurs de soufre et vu des flammes vertes; on m'accusait de
sorcellerie et de malefices. Les vieilles mefiances n'etaient
qu'endormies, et je recueillais les fruits d'etre un personnage
inquietant et invraisemblable, ne pouvant se reclamer de personne et
sans appui.
J'approchais lentement de notre case. Les portes etaient enfoncees, les
vitres brisees, la fumee sortait par le toit; tout etait au pillage,
envahi par une de ces foules sinistres qui surgissent a Constantinople
dans les heures de bagarre. J'entrai chez moi, il pleuvait de l'eau
noire melee de suie, du platre calcine et des planches enflammees ...
Le feu cependant etait eteint. Un appartement brule, un plancher, deux
portes et une cloison. Avec une grande dose de sang-froid j'avais domine
la situation; les bachibozouks avaient arrache aux pillards leur butin,
fait evacuer la place et disperse la foule.
Deux zapties en armes faisaient faction a ma porte enfoncee. Je leur
confiai la garde de mes biens et m'embarquai pour Galata. J'allais y
chercher Achmet, garcon de bon conseil, dont la presence amie m'eut ete
precieuse au milieu de ce desarroi.
Au bout d'une heure, j'arrivai dans ce centre du tapage et des
estaminets; j'allai inutilement chez _leur madame_, et dans tous les
bouges: Achmet ce soir-la fut introuvable.
Et force me fut de revenir dormir seul, dans ma chambre sans vitres ni
portes, roule, par un froid mortel, dans des couvertures mouillees qui
sentaient le roussi. Je dormis peu, et mes reflexions furent sombres;
cette nuit fut une des nuits desagreables de ma vie.
LIII
Le lendemain matin, Achmet et moi, nous constations les degats; ils
etaient relativement minimes, et le mal pouvait aisement se reparer. La
piece detruite etait vide et inhabitee; on eut imagine un incendie de
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