ut-etre ou ils regretteront beaucoup d'avoir rendu les
leurs propres uniquement a profiter des faveurs de la cour. Moi, j'ai
appris dans l'emigration quelle triste chose c'est qu'une education de
gentilhomme, et j'ai voulu t'enseigner d'autres arts que l'equitation
et la chasse. J'ai trouve en toi une docilite affectueuse dont je te
remercie au nom de l'amour que je te porte, et tu me remercieras encore
plus un jour de l'avoir mise a l'epreuve."
Je passai deux ans pres de lui, occupe a completer mes premieres etudes,
et a developper les idees dont il m'avait donne le germe. Il me fit
examiner les elements de plusieurs sciences, afin de voir pour laquelle
je me sentirais le plus d'aptitude. J'ignore si c'est la douleur de le
voir continuellement souffrir sans pouvoir le soulager qui m'influenca,
mais il est certain qu'une vocation prononcee me poussa vers l'etude de
la medecine.
Lorsque mon pere s'en fut bien assure, il voulut m'envoyer a Paris; mais
il etait dans un si deplorable etat de sante, que j'obtins de lui de
rester encore quelques mois pour le soigner. Nous marchions, helas! vers
une eternelle separation. Son mal empirait toujours; les mois et les
saisons se succedaient sans lui apporter aucun soulagement, mais sans
rien oter a son courage. A chaque redoublement de la maladie, il voulait
me renvoyer, disant que j'avais quelque chose de plus important a faire
que de soigner un moribond, mais il ceda a ma tendresse, et me permit de
lui fermer les yeux. Un moment avant que d'expirer, il me fit renouveler
le serment que je lui avais fait bien des fois d'entreprendre
sur-le-champ mes eludes.
Je tins religieusement ma promesse, et, malgre la douleur dont j'etais
accable, je poussai activement les preparatifs de mon depart. Il avait
lui-meme mis ordre a mes affaires, en affermant sa propriete pour neuf
ans, afin que j'eusse un revenu assure pendant mes annees de travail a
Paris. Et c'est ainsi que j'existais depuis quatre ans, vivant de mes
trois mille francs de rente, et voyant approcher l'epoque de mes examens
sans avoir rien neglige pour obeir aux dernieres volontes du meilleur
des peres, et sans avoir interrompu mes anciennes relations avec celles
de nos connaissances pour lesquelles il avait eu de l'estime et de
l'affection.
De ce nombre etait la comtesse de Chailly, qui, dans sa jeunesse, malgre
la difference des fortunes, avait eu, disait-on, pour mon pere des
sentiments fort tendres. Une amitie loyale
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