a situation des soldats intolerable. Avec quelle anxiete
chacun attendait en silence le premier village ou l'on pourrait enfin
descendre!
Enfin a six heures du matin le train arreta a la Baie du Heron, En moins
de cinq minutes tout le bataillon etait descendu en ligne. Pour la
premiere fois une pauvre ration de rhum fut donnee a chaque homme, et
sans rien exagerer, elle avait ete richement gagnee. Bientot apres
on nous servit a dejeuner dans les chantiers du Pacifique. Certains
journaux anglais, entr'autres le News de Toronto, ont rapporte qu'en cet
endroit les soldats avaient devalise les magasins de la compagnie et
bien d'autres histoires toutes aussi mensongeres et infames les unes que
les autres. C'est ici l'endroit de refuter ces sots rapports et de
leur donner un dementi formel. Jamais un regiment dans de pareilles
circonstances ne s'est aussi bien comporte et c'est meme etonnant
qu'aucun des mauvais rapports qui ont ete faits n'ait le moindre
fondement de verite.
Apres un copieux dejeuner, le bataillon remonta a bord et l'on continua
dans les memes chars jusqu'a Port Munroe, ou l'on arriva vers neuf
heures de l'avant midi. Ici, on laissa les chars et la marche a pied
commenca. Chaque soldat portait sur lui, outre sa carabine et ses
munitions, toutes les parties de son accoutrement, havresac et autres.
Apres une aussi mauvaise nuit, la marche le long de la rive nord du Lac
Superieur, vingt-cinq milles, faite en moins de dix heures, tient du
prodige.
Peu d'hommes, meme de vieux militaires auraient pu resister aussi
bravement a une aussi forte etape, et chose plus etonnante encore,
pas un seul homme ne fut malade. Une seule halte fut faite pendant la
marche, a Little Peak, ou l'on fit une distribution de rations,
fromage et "hard tacks." Si la fatigue fut grande, on eut une faible
compensation par le magnifique coup d'oeil presente par le coucher du
soleil sur le lac. L'astre du jour tomba comme un immense globe d'or
dans le rideau, aux couleurs variees, que lui tendait l'Occident et qui
semblait plier sous la masse qui s'y engouffrait; au fur et a mesure que
l'astre disparaissait a l'horizon, chaque nuage se nuancait d'une facon
grandiose. Que de poetes auraient fait deux fois la meme route pour
contempler un pareil spectacle!
Vers huit heures du soir tout le bataillon etait remonte dans: de
nouveaux chars, pires que ceux qu'on venait de laisser. Ceux-ci
n'etaient formes que de plates-formes simples avec u
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