le radeau dut etre abandonne. Des chevaux furent bientot
atteles au canon et, les soldais aidant, on le ramena au trait.
Cependant ce ne fut pas sans accident. Le soldat Alex Martin, un jeune
francais, etait a aider a monter le canon, quand il se fit prendre
la tete entre une des roues et un arbre. La blessure fut des plus
serieuses, mais le jeune brave endura les douleurs les plus vives sans
se plaindre. Il ne devint mieux; qu'une quinzaine de jours plus tard.
L'accident arrive au radeau nous retarda beaucoup, car le seul transport
qui nous restait etait un vieux bac. On travailla nuit et jour, chaque
waggon fut transporte morceau par morceau, les provisions, munitions et
le reste, malgre une pluie battante. On divisa notre bataillon en deux
parties, dont l'une avait la garde de la rive nord et l'autre de la rive
sud.
[Illustration: CAPORAL MARTIN]
Il y avait a peine un nombre suffisant de tentes pour les provisions,
sur la rive nord, et ceux qui etaient traverses durent passer la nuit a
la belle etoile, heureux encore s'ils avaient pu trouver une couverte
pour s'envelopper.
Vers une heure du matin, le 29, l'on fut reveille par des cris d'alarme
et d'appels au secours, jetes par quelques soldats qui etaient tombes a
l'eau en traversant. En peu d'instants, tous ceux qui dormaient etaient
debout et deja rendus sur la scene de l'accident. Tous furent sauves
et en furent quittes pour un bain a l'eau froide. Malheureusement il
y avait a bord une dizaine de _knapsacks_ qui furent perdus grace a
l'excitation des rameurs. La journee se passa a continuer de traverser
les provisions. Le soir, vingt hommes de la compagnie No. 8 recurent
l'ordre de rester en cet endroit, sous le commandement du lieutenant
Normandeau. La nouvelle nous prit un peu par surprise, et la surprise
etait loin d'etre agreable. Divises deja comme nous l'etions et surtout
ayant bon espoir de rejoindre nos freres avant longtemps, cette nouvelle
separation ne fut pas sans soulever des murmures. Mais, enfin, a
la guerre comme a la guerre: l'on dut se soumettre. La veillee fut
silencieuse, la nuit de meme.
Le lever eut lieu a six heures le lendemain. Vers les dix heures, on
lanca a l'eau un nouveau bac, plus grand que celui dont nous nous etions
servis.
Ce bac, qui venait d'etre termine, avait ete construit tres solide,
pour qu'il put durer plus longtemps, et etait mu au moyen d'un certain
appareil d'un genre nouveau, relie a un cable en fer tendu d'u
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