souffrances atroces des malheureux Lemay
et Marcotte dans ces voitures d'ambulance improvisees. Etendus au fond
des waggons, sans autre matelas que la mince toile du brancard, ils
etaient bouscules de tous cotes, malgre la bonne volonte et les soins
des charretiers. Et c'est ainsi qu'ils parcoururent les douze milles
qui les separaient de Fort Pitt. Lemay surtout ressentait des douleurs
indescriptibles que le genre de transport devait inevitablement causer.
Incapable de remuer un seul membre, il gisait au fond du fourgon et
poussait un cri de douleur a chaque cahot de la route. De temps a autre,
il pouvait, entendre la voix inquiete du pere Provost qui demandait au
chirurgien: "Est-il mort?" Ajoutez a ce tourment celui de la soif la
plus ardente causee par la fievre qui le devorait. Rien, pas une goutte
d'eau, et Lemay repetait toujours: "De l'eau! de l'eau!" Enfin l'on
arrive a Fort Pitt. Les deux blesses sont deposes dans une des vieilles
constructions en ruines que renfermait encore la palissade du fort. Ici,
ils furent bien traites par le soldat Brown de la Cie. No. 1, et la
conduite de ce dernier merite les plus grands eloges. Ils resterent en
cet endroit jusqu'au trois juin, quand le major Robert vint les chercher
a bord de _l'Alberta_, pour les mener a Battleford. On les transporta
a bord sur des brancards et ils furent installes dans la chambre
de l'ingenieur. L'appartement etait assez confortable, mais,
malheureusement, un accident arriva au navire et bientot l'eau inonda le
plancher de leur infirmerie. Leur infirmier, le soldat Isidore Gauthier,
se montra des plus devoues a leur egard. Il passait toute la journee et
une grande partie de ses nuits aupres d'eux. Tantot il balayait l'eau
qui s'etendait sous leurs lits, tantot il leur portait un verre d'eau et
toujours il etait exact a leur administrer les remedes prescrits par le
chirurgien et a changer les bandages qui couvraient leurs plaies. Il
remplit son devoir a toute heure du jour ou de la nuit. La nuit, il
etait oblige de s'accroupir dans un coin de l'appartement sur sa
couverte pliee en six pour empecher l'eau de l'imbiber completement.
Enfin le bateau arriva a Battleford apres deux jours et deux nuits
de marche. Il faisait un temps sombre et les corps etaient a peine
installes dans un express-waggon, qui avait ete envoye de l'hopital au
bateau pour les aider, que la pluie se mit a tomber. Quelques couvertes
furent jetees a la hate sur les pauvres blesses,
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