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soyez-en certain. Maintenant j'entre dans l'appartement que vous m'avez
destine. Derriere cette cloison, j'entendrai votre entretien avec lui.
J'ai besoin d'etre prepare moi-meme a le voir, de le connaitre un
peu avant de m'adresser a lui. Je suis emu, je ne vous le cache pas,
monsieur l'abbe. Ceci est une circonstance grave dans ma vie et dans
celle de cet enfant. Tout va etre decide dans un instant. De sa premiere
impression depend l'honneur de toute une famille. L'honneur! mot vile et
tout-puissant!...
LE PRECEPTEUR. La victoire vous restera comme toujours, monseigneur. Son
ame romanesque, dont je n'ai pu faconner absolument a votre guise tous
les instincts, se revoltera peut-etre au premier choc; mais l'horreur
de l'esclavage, la soif d'independance, d'agitation et de gloire
triompheront de tous les scrupules.
LE PRINCE. Puissiez-vous deviner juste! Je l'entends... son pas est
delibere!... J'entre ici... Je vous donne une heure... plus ou moins,
selon....
LE PRECEPTEUR. Monseigneur, vous entendrez tout. Quand vous voudrez
qu'il paraisse devant vous, laissez tomber un meuble; je comprendrai.
LE PRINCE. Soit! _(Il entre dans l'appartement voisin.)_
SCENE III.
LE PRECEPTEUR, GABRIEL.
(_Gabriel en habit de chasse a la mode du temps, cheveux longs, boucles,
en desordre, le fouet a la main. Il se jette sur une chaise, essouffle,
et s'essuie le front._)
GABRIEL. Ouf! je n'en puis plus.
LE PRECEPTEUR. Vous etes pale, en effet, monsieur. Auriez-vous eprouve
quelque accident?
GABRIEL. Non, mais mon cheval a failli me renverser. Trois fois il s'est
derobe au milieu de la course. C'est une chose etrange et qui ne m'est
pas encore arrivee depuis que je le monte. Mon ecuyer dit que c'est
d'un mauvais presage. A mon sens, cela presage que mon cheval devient
ombrageux.
LE PRECEPTEUR. Vous semblez emu... Vous dites que vous avez failli etre
renverse?
GABRIEL. Oui, en verite. J'ai failli l'etre a la troisieme fois, et a ce
moment j'ai ete effraye.
LE PRECEPTEUR. Effraye? vous, si bon cavalier?
GABRIEL. Eh bien, j'ai eu peur, si vous l'aimez mieux.
LE PRECEPTEUR. Parlez moins haut, monsieur, l'on pourrait vous entendre.
GABRIEL. Eh! que m'importe? Ai-je coutume d'observer mes paroles et de
deguiser ma pensee? Quelle honte y a-t-il?
LE PRECEPTEUR. Un homme ne doit jamais avoir peur.
GABRIEL Autant voudrait dire, mon cher abbe, qu'un homme ne doit jamais
avoir froid, ou ne doit jamais etr
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