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je la baiserais, cette main si douce... Vraiment ta main n'est pas plus
grande que celle d'une femme, et ton bras... Laisse-moi baiser ton
gant!... ton bras est d'une rondeur miraculeuse... Allons, ma chere
belle, vous etes d'une vertu farouche!... Tiens! tu joues ton role
comme un ange: tu remontes tes gants, tu fremis, tu perds contenance! A
merveille! Voyons, marche un peu, fais de petits pas.
GABRIEL, _essayant de rire_.
Tu me feras marcher et parler le moins possible; car j'ai une grosse
voix, et je dois avoir aussi une bien mauvaise grace.
ASTOLPHE.
Ta voix est pleine, mais douce; peu de femmes l'ont aussi agreable; et,
quant a ta demarche, je t'assure qu'elle est d'une gaucherie adorable.
Je te vois passer pour une ingenue; ne t'inquiete donc pas de tes
manieres.
GABRIEL.
Mais certainement ta femme ideale en a de meilleures?
ASTOLPHE.
Eh bien! pas du tout. En te voyant, je reconnais que cette gaucherie est
un attrait plus puissant que toute la science des coquettes. Ton costume
est charmant! Est-ce la Perinne qui l'a choisi?
GABRIEL.
Non! elle m'avait apporte l'autre jour un attirail de bohemienne; je lui
ai fait faire expres pour moi cette robe de soie blanche.
ASTOLPHE.
Et tu seras plus pare, avec cette simple toilette et ces perles, que
toutes les femmes bigarrees et empanachees qui s'appretent a te disputer
la palme. Mais qui a pose sur ton front cette couronne de roses
blanches? Sais-tu que tu ressembles aux anges de marbre de nos
cathedrales? Qui t'a donne l'idee de ce costume si simple et si
recherche en meme temps?
GABRIEL.
Un reve que j'ai fait... il y a quelque temps.
ASTOLPHE.
Ah! ah! tu reves aux anges, toi? Eh bien! ne t'eveille pas, car tu
ne trouveras dans la vie reelle que des femmes! Mon pauvre Gabriel,
continue, si tu peux, a ne point aimer. Quelle femme serait digne de
toi? Il me semble que le jour ou tu aimeras je serai triste, je serai
jaloux.
GABRIEL.
Eh! mais, ne devrais-je pas etre jaloux des femmes apres lesquelles tu
cours?
ASTOLPHE.
Oh! pour cela, tu aurais grand tort! il n'y a pas de quoi! On frappe en
bas!... Vite a ton role.
(_Il ecoute les voix qui se font entendre sur l'escalier._)
Vive Dieu! c'est Antonio avec la Faustina. Ils viennent nous chercher.
Mets vite ton masque!... ton manteau!... un manteau de satin rose double
de cygne! c'est charmant!... Allons, cher Gabriel! a present que je
ne vois plus ton visage ni tes bras
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