it pu lui arracher.
J'avais hate de me debarrasser de ce miserable debris d'une grandeur
effacee. Je me plaisais dans l'idee de devenir un aventurier, presque un
lazzarone, et d'aller dormir, nu et depouille, au seuil des palais qui
portaient le nom illustre de mes ancetres. Gabriel vint me trouver, il
sauva son honneur et le mien en payant mes dettes. J'acceptai ses dons
sans fausse delicatesse, et jugeant d'apres moi-meme a quel point son
ame noble devait mepriser l'argent. Mais des que je le vis satisfaire
a mes depenses effrenees sans les partager, j'eus la pensee de me
corriger, et je commencai a me degouter de la debauche; puis, quand
j'eus decouvert dans ce gracieux compagnon une femme ravissante, je
l'adorai et ne songeai plus qu'a elle... Elle etait prete alors a me
restituer publiquement tous mes droits. Elle le voulait; car nous
vecumes chastes comme frere et soeur durant plusieurs mois, et elle
n'avait pas la pensee que je pusse avoir jamais d'autres droits sur
elle que ceux de l'amitie. Mais moi, j'aspirais a son amour. Le mien
absorbait toutes mes facultes. Je ne comprenais plus rien a ces mots de
puissance, de richesse et de gloire qui m'avaient fait faire en secret
parfois de dures reflexions. Je n'eprouvais meme plus de ressentiment;
j'etais pret a benir le vieux Jules pour avoir forme cette creature si
superieure a son sexe, qui remplirait mon ame d'un amour sans bornes,
et qui etait prete a le partager. Des que j'eus l'espoir de devenir son
amant, je n'eus plus une pensee, plus un desir pour d'autre que pour
elle; et quand je le fus devenu, mon etre s'abima dans le sentiment d'un
tel bonheur que j'etais insensible a toutes les privations de la misere.
Pendant plusieurs autres mois elle vecut dans ma famille, sans que
nous songeassions l'un ou l'autre a recourir a la fortune de l'aieul.
Gabrielle passait pour ma femme, nous pensions que cela pourrait durer
toujours ainsi, que le prince nous oublierait, que nous n'aurions jamais
aucun besoin au dela de l'aisance tres-bornee a laquelle ma mere nous
associait; et, dans notre ivresse, nous n'apercevions pas que nous
etions a charge et entoures de malveillance. Quand nous fimes cette
decouverte penible, nous eumes la pensee de fuir en pays etranger, et
d'y vivre de notre travail a l'abri de toute persecution. Mais Gabrielle
craignit la misere pour moi, et moi je la craignis pour elle. Elle eut
aussi la pensee de me reconcilier avec son grand-pere et de m'asso
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