t pour vous
chercher.
[Illustration: Marc... une lanterne a la main.... (Page 47.)]
GABRIEL.
A l'heure qu'il est, il ne me cherche pas. Je suis mieux informe
que vous, mon cher abbe; et, lorsque vous entendez ses paroles, moi
j'entends ses pensees. Ecoutez bien ce que je vais vous dire. Astolphe
ne m'aime plus. La premiere fois qu'il m'outragea par un soupcon
injuste, je compris qu'il blasphemait contre l'amour, parce que son
coeur etait las d'aimer. Je luttai longtemps contre cette horrible
certitude. A present, je ne puis plus m'y soustraire. Avec le doute,
l'ingratitude est entree dans le coeur d'Astolphe, et, a mesure qu'il
tuait notre amour par ses mefiances, d'autres passions sont venues chez
lui peu a peu, et presque a son insu, prendre la place de celle qui
s'eteignait. Aujourd'hui son amour n'est plus qu'un orgueil sauvage,
une soif de vengeance et de domination; son desinteressement n'est plus
qu'une ambition mal satisfaite, qui meprise l'argent parce qu'elle
aspire a quelque chose de mieux... Ne le defendez pas! Je sais qu'il
se fait encore illusion a lui-meme, et qu'il n'a pas encore envisage
froidement le crime qu'il veut commettre; mais je sais aussi que son
inaction et son obscurite lui pesent. Il est homme! une vie toute
d'amour et de recueillement ne pouvait lui suffire. Cent fois dans notre
solitude il a reve, malgre lui, a ce qu'eut ete son role dans le monde
si notre grand-pere ne m'eut substitue a lui; et aujourd'hui, quand il
songe a m'epouser, quand il songe a proclamer mon sexe, il ne songe pas
tant a s'assurer ma fidelite qu'a reconquerir une place brillante dans
la societe, un grand titre, des droits politiques, la puissance, en un
mot dont les hommes sont plus jaloux que de l'argent. Je sais qu'encore
hier, encore ce matin peut-etre, il repoussait la tentation et
fremissait a l'idee de commettre une lachete; mais demain, mais ce soir
peut-etre il a deja franchi ce pas, et le plus grossier appat offert a
sa jalousie lui servira de pretexte pour fouler aux pieds son amour et
pour ecouter son ambition. J'ai vu venir l'orage, et, voulant preserver
son honneur d'un crime et ma liberte d'un joug, j'ai trouve un
expedient. J'ai ete trouver le pape; j'ai feint une grande exaltation
de piete chretienne; je lui ai declare que je voulais vivre dans le
celibat, et j'ai obtenu de lui que, pour ne pas exposer mon heritage a
sortir de la famille, Astolphe serait mis en possession a ma place a la
mort
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