Bon! je l'apercois qui vous lorgne du fond du salon. Je
vais vous embrasser pour le confirmer dans son erreur.
GABRIEL, _reculant devant l'embrassade_.
Grand merci! je ne vais pas sur les brisees de mon cousin.
FAUSTINA.
Oh! qu'il est vertueux! Est-ce qu'il est devot? Eh bien, ceci me plait a
la folie. Mon Dieu, qu'il est joli! Astolphe, tu es encore amoureux de
moi, car tu ne me l'avais pas presente; tu savais bien qu'on ne peut le
voir impunement. Est-ce que ces beaux cheveux sont a vous? et quelles
mains! c'est un amour!
ASTOLPHE, _a Faustina_.
Bon! tache de le debaucher. Il est trop sage, vois-tu! _(A Gabriel.)_ Eh
bien! voyons! Elle est belle, et tu es assez beau pour ne pas craindre
qu'on t'aime pour ton argent, je vous laisse ensemble.
GABRIEL, _s'attachant a Astolphe_.
Non, Astolphe, ce serait inutilement; je ne sais pas ce que c'est que
d'offenser une femme, et je ne pourrais pas la mepriser assez pour
l'accepter ainsi.
FAUSTINA.
Ne le tourmente pas, Astolphe, je saurai bien l'apprivoiser quand je
voudrai. Maintenant songeons a mystifier Antonio. Le voila, brulant
d'amour et palpitant d'esperance, qui erre autour de cette porte. Qu'il
a l'air lourd et souffrant! Allons un peu vers lui.
GABRIEL, _a Astolphe_.
Laisse-moi me retirer. Cette plaisanterie me fatigue. Cette robe me
gene, et ton Antonio me deplait!
FAUSTINA.
Raison de plus pour te moquer de lui, mon beau cherubin! Oh! Astolphe,
si tu avais vu comme Antonio poursuivait ton cousin pendant que tu
dansais la tarentelle! Il voulait absolument l'embrasser, et cet ange se
defendait avec une pudeur si bien jouee!
ASTOLPHE.
Allons, tu peux bien te laisser embrasser un peu pour rire; qu'est-ce
que cela te fait? Ah! Gabriel, je t'en prie, ne nous quitte pas encore.
Si tu t'en vas, je m'en vais aussi; et ce serait dommage, j'ai si bonne
envie de me divertir!
GABRIEL.
Alors je reste.
FAUSTINA.
L'aimable enfant!
_(Ils sortent. Antonio les accoste dans la galerie. Apres quelques mots
echanges, Astolphe passe le bras de Gabriel sous celui d'Antonio et les
suit avec Faustina en se moquant. Ils s'eloignent.)_
SCENE VII.
Toujours chez Ludovic.--Un jardin; illumination dans le fond.
ASTOLPHE, _tres-agite_; GABRIEL, _courant apres lui_.
GABRIEL, _toujours en femme, avec une grande mantille de dentelle
blanche_.
Astolphe, ou vas-tu? qu'as-tu? pourquoi sembles-tu me fuir?
ASTOLPHE.
Mais rien, mon enfant;
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