reveler en face! Impudent vieillard! Comment n'es-tu pas rentre
sous terre, quand tu m'as vu, pour te punir et te confondre, affecter
tant d'ignorance et d'etonnement! Les insenses! comment pouvaient-ils
croire que j'etais encore la dupe de leur insolent artifice? Admirable
ruse, en effet! M'inspirer l'horreur de ma condition, afin de me fouler
aux pieds ensuite, et de me dire: Voila pourtant ce que vous etes...
voila ou nous allons vous releguer si vous n'acceptez pas la complicite
de notre crime! Et l'abbe! l'abbe lui-meme que je croyais si honnete et
si simple, il le savait! Marc le sait peut-etre aussi! Combien d'autres
peuvent le savoir? Je n'oserai plus lever les yeux, sur personne. Ah!
quelquefois encore je voulais en douter. O mon reve! mon reve de cette
nuit, mes ailes!... ma chaine!
_(Il pleure amerement. S'essuyant les yeux.)_
Mais le fourbe s'est pris dans son propre piege, il m'a livre enfin le
point le plus sensible de sa haine. Je vous punirai, o imposteurs!
je vous ferai partager mes souffrances; je vous ferai connaitre
l'inquietude, et l'insomnie, et la peur de la honte... Je suspendrai
le chatiment a un cheveu, et je le ferai planer sur ta tete blanche, a
vieux Jules! jusqu'a ton dernier soupir. Tu m'avais soigneusement cache
l'existence de ce jeune homme! ce sera la ma consolation, la reparation
de l'iniquite a laquelle on m'associe! Pauvre parent! pauvre victime,
toi aussi! Errant, vagabond, crible de dettes, plonge dans la debauche,
disent-ils, avili, deprave, perdu, helas! peut-etre. La misere degrade
ceux qu'on eleve dans le besoin des honneurs et dans la soif des
richesses. Et le cruel vieillard s'en rejouit! Il triomphe de voir son
petit-fils dans l'abjection, parce que le pere de cet infortune a ose
contrarier ses volontes absolues, qui sait? devoiler quelqu'une de ses
turpitudes, peut-etre! Eh bien! je te tendrai la main, moi qui suis dans
le fond de mon ame plus avili et plus malheureux que lui encore; je
m'efforcerai de te retirer du bourbier, et de purifier ton ame par une
amitie sainte. Si je n'y reussis pas, je comblerai du moins par mes
richesses l'abime de ta misere, je te restituerai ainsi l'heritage qui
t'appartient; et, si je ne puis te rendre ce vain titre que tu regrettes
peut-etre, et que je rougis de porter a ta place, je m'efforcerai du
moins de detourner sur toi la faveur des rois, dont tous les hommes sont
jaloux. Mais quel nom porte-t-il? Et ou le trouverai-je? Je le saurai
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