il aille
au-devant de mes desirs en me procurant argent, equipage, maitresse,
luxe de toute espece. Je voudrais du moins qu'il prit sa part de mes
plaisirs; mais je crains bien que tout cela ne l'amuse pas, et que
l'enjouement qu'il me montre parfois ne soit l'heroisme de l'amitie.
Oh! si j'en etais sur, je me corrigerais sur l'heure; j'acheterais
des livres, je me plongerais dans les auteurs classiques; j'irais a
confesse; je ne sais pas ce que ne ferais pas pour lui!... Mais il
est bien longtemps a sa toilette. (_Il va frapper a la porte de
l'appartement de Gabriel._) En bien! ami, es-tu pret? Pas encore.
Laisse-moi entrer, je suis seul. Non? Allons! comme tu voudras. (_Il
revient._) Il s'enferme vraiment comme une demoiselle. Il veut que je le
voie dans tout l'eclat de son costume. Je suis sur qu'il sera charmant
en fille; la Faustina ne l'a pas vu, elle y sera prise, et toutes en
creveront de jalousie. Il a eu pourtant bien de la peine a se decider
a cette folie. Cher Gabriel! c'est moi qui suis un enfant, et lui un
homme, un sage, plein d'indulgence et de devouement! (_Il se frotte les
mains._) Ah! je vais me divertir aux depens de la Faustina! Mais quelle
impudente creature! Antonio la semaine derniere, Menrique aujourd'hui!
Comme les pas de la femme sont rapides dans la carriere du vice! Nous
autres, nous savons, nous pouvons toujours nous arreter; mais elles,
rien ne les retient sur cette pente fatale, et quand nous croyons la
leur faire remonter, nous ne faisons que hater leur chute au fond de
l'abime. Mes compagnons ont raison; moi qui passe pour le plus mauvais
sujet de la ville, je suis le moins roue de tous. J'ai des instincts de
sentimentalite, je reve des amours romanesques, et, quand je presse
dans mes bras une vile creature, je voudrais m'imaginer que je l'aime.
Antonio a du bien se moquer de moi avec cette miserable folle! J'aurais
du la retenir ce soir, et m'en aller avec Gabriel deguise et avec elle,
en chantant le couplet: _Deux femmes valent mieux qu'une_. J'aurais
donne du depit a Antonio par Faustina, a Faustina par Gabriel... Allons!
il est peut-etre temps encore... Elle a menti, elle n'aurait pas
ose aller trouver ainsi Menrique... Elle n'est pas si effrontee! En
attendant que Gabriel ait fini de se deguiser, je puis courir chez elle;
c'est tout pres d'ici. (_Il s'enveloppe de son manteau._) Une femme
peut-elle descendre assez bas pour n'etre plus pour nous qu'un objet
dont notre vanite fait par
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