accepte, chien,
l'honneur qu'on t'offre.
Voila de quelle facon Kirdiaga fut amene dans le cercle des
Cosaques.
-- Eh bien! seigneurs, crierent a pleine voix ceux qui l'avaient
amene, consentez-vous a ce que ce Cosaque devienne notre
_kochevoi_?
-- Oui! oui! nous consentons tous, tous! repondit la foule; et
l'echo de ce cri unanime retentit longtemps dans la plaine.
L'un des chefs prit la massue et la presenta au nouveau
_kochevoi_. Kirdiaga, d'apres la coutume, refusa de l'accepter. Le
chef la lui presenta une seconde fois; Kirdiaga la refusa encore,
et ne l'accepta qu'a la troisieme presentation. Un long cri de
joie s'eleva dans la foule, et fit de nouveau retentir toute la
plaine. Alors, du milieu du peuple, sortirent quatre vieux
Cosaques a moustaches et cheveux grisonnants (il n'y en avait pas
de tres vieux a la _setch_, car jamais Zaporogue ne mourut de mort
naturelle); chacun d'eux prit une poignee de terre, que de longues
pluies avaient changee en boue, et l'appliqua sur la tete de
Kirdiaga. La terre humide lui coula sur le front, sur les
moustaches et lui salit tout le visage. Mais Kirdiaga demeura
parfaitement calme, et remercia les Cosaques de l'honneur qu'ils
venaient de lui faire. Ainsi se termina cette election bruyante
qui, si elle ne contenta nul autre, combla de joie le vieux
Boulba; en premier lieu, parce qu'il s'etait venge de l'ancien
_kochevoi_, et puis, parce que Kirdiaga son vieux camarade, avait
fait avec lui les memes expeditions sur terre et sur mer, et
partage les memes travaux, les memes dangers. La foule se dissipa
aussitot pour aller celebrer l'election, et un festin universel
commenca, tel que jamais les fils de Tarass n'en avaient vu de
pareil. Tous les cabarets furent mis au pillage; les Cosaques
prenaient sans payer la biere, l'eau-de-vie et l'hydromel. Les
cabaretiers s'estimaient heureux d'avoir la vie sauve. Toute la
nuit se passa en cris et en chansons qui celebraient la gloire des
Cosaques; et la lune vit, toute la nuit, se promener dans les rues
des troupes de musiciens avec leurs _bandoura_s et leurs
_balalaikas_[22], et des chantres d'eglise qu'on entretenait dans
la _setch_ pour chanter les louanges de Dieu et celles des
Cosaques. Enfin, le vin et la fatigue vainquirent tout le monde.
Peu a, peu toutes les rues se joncherent d'hommes etendus. Ici,
c'etait un Cosaque qui, attendri, eplore, se pendait au cou de son
camarade, et tous deux tombaient embrasses. La, tout u
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