ttu de paien?
-- Il parle bien, pensa Boulba.
-- Ne croyez pas cependant, seigneurs, que je dise tout cela pour
violer la paix. Non, que Dieu m'en garde! je ne dis cela que comme
cela. En outre, le temple du Seigneur, chez nous, est dans un tel
etat que c'est pecher de dire ce qu'il est. Il y a deja bien des
annees que, par la grace du Seigneur, la _setch_ existe; et
jusqu'a present, non seulement le dehors de l'eglise, mais les
saintes images de l'interieur n'ont pas le moindre ornement.
Personne ne songe meme a leur faire battre une robe d'argent[23].
Elles n'ont recu que ce que certains Cosaques leur ont laisse par
testament. Il est vrai que ces dons-la etaient bien peu de chose,
car ceux qui les ont faits avaient de leur vivant bu tout leur
avoir. De facon que je ne fais pas de discours pour vous decider a
la guerre contre les Turcs, parce que nous avons promis la paix au
sultan, et que ce serait un grand peche de se dedire, attendu que
nous avons jure sur notre religion.
-- Que diable embrouille-t-il? se dit Boulba.
-- Vous voyez, seigneurs, qu'il est impossible de commencer la
guerre; l'honneur des chevaliers ne le permet pas. Mais voici ce
que je pense, d'apres mon pauvre esprit. Il faut envoyer les
jeunes gens sur des canots, et qu'ils ecument un peu les cotes de
l'Anatolie. Qu'en pensez-vous, seigneurs?
-- Conduis-nous, conduis-nous tous? s'ecria la foule de tous
cotes. Nous sommes tous prets a perir pour la religion.
Le _kochevoi_ s'epouvanta; il n'avait nullement l'intention de
soulever toute la _setch_; il lui semblait dangereux de rompre la
paix.
-- Permettez-moi, seigneurs, de parler encore.
-- Non, c'est assez, s'ecrierent les Zaporogues; tu ne diras rien
de mieux que ce que tu as dit.
-- Si c'est ainsi, il sera fait comme vous le desirez. Je suis le
serviteur de votre volonte. C'est une chose connue et la sainte
Ecriture le dit, que la voix du peuple est la voix de Dieu. Il est
impossible d'imaginer jamais rien de plus sense que ce qu'a
imagine le peuple; mais voila ce qu'il faut que je vous dise. Vous
savez, seigneurs, que le sultan ne laissera pas sans punition le
plaisir que les jeunes gens se seront donne; et nos forces eussent
ete pretes, et nous n'eussions craint personne. Et pendant notre
absence, les Tatars peuvent nous attaquer. Ce sont les chiens des
Turcs; ils n'osent pas vous prendre en face, ils n'entrent pas
dans la maison tant que le maitre l'occupe; mais ils vous mor
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