pparence robuste, toute couverte d'une quincaillerie
d'horribles bijoux dont elle s'etait paree pour se faire portraiturer;
l'autre, une jeune personne d'une vingtaine d'annees, assez jolie,
habillee simplement, elegamment, et dont la physionomie distinguee et
discrete contrastait avec celle du premier portrait.
Pendant que Saniel regardait ces portraits, Caffie l'examinait,
cherchant a deviner l'effet que produisaient ses deux sujets.
--Maintenant que vous les avez vues, dit-il, parlons-en un peu. Si vous
me connaissiez mieux, mon cher monsieur, vous sauriez que je suis la
franchise meme et qu'en affaires j'ai pour principe de tout dire: le bon
et le mauvais, de facon que mes clients aient seuls la responsabilite de
la decision qu'ils prennent. En realite il n'y a rien de mauvais sur ces
deux personnes, car s'il y en avait, je ne vous les proposerais pas;
mais enfin il y a des cotes que ma delicatesse m'oblige a vous signaler,
ce que je fais sans inquietude, bien certain qu'un homme comme vous
n'est pas l'esclave d'etroits prejuges.
Il fit une grimace douloureuse et, de nouveau, se prit la machoire a
deux mains.
--Vous souffrez? demanda Saniel.
--Oui, des dents, cruellement, pardonnez-moi de le laisser paraitre; je
sais par moi-meme que rien n'est plus agacant que le spectacle de la
douleur d'autrui.
--Pas pour les medecins, en tout cas.
--Enfin, laissons cela et revenons a mes clientes. Celle-ci,--il
presenta le portrait de la femme aux bijoux,--est, comme vous l'avez
devine, une veuve, une tres aimable veuve. Peut-etre a-t-elle quelques
annees de plus que vous, mais ce n'est pas la, me semble-t-il, un grief
serieux que vous puissiez soulever, votre experience de la vie vous
ayant assurement appris que l'homme qui veut etre aime, tendrement aime,
choye, caresse, gate, doit prendre une femme plus agee que lui, qui le
traitera en mari et en fils. Son premier mari etait un commercant habile
qui, s'il eut vecu, eut fait une belle fortune dans la boucherie,--cela
fut mache plutot que nettement prononce,--mais qui, bien que mort au
moment ou ses affaires se developpaient, a laisse vingt belles mille
livres de rente a sa femme. Comme je dis le bon, je dois dire aussi
le regrettable. Entraine par les frequentations que necessitait
son commerce, cet homme tres intelligent avait pris des habitudes
d'intemperance facheuses que, du dehors, il avait apportees dans son
interieur et qu'il avait en quelque sorte impose
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