r, nette et franche, et je ne vous fais pas l'injure de
supposer que vous n'en voyez pas les avantages sans qu'il soit besoin
d'insister. Si je ne me suis pas plus clairement explique....
--Mais rien n'est plus clair.
--....La faute en est a cette fluxion qui me paralyse.
Il se prit la machoire en geignant.
--Vous avez une dent qui vous fait souffrir? demanda Saniel sur le ton
d'un medecin qui interroge un malade.
--Toutes les dents me font souffrir. A vrai dire, elles m'abandonnent.
--Vous avez consulte un medecin?
--Ni medecin, ni dentiste. Certainement je crois a la medecine; mais;
quand je me suis adresse a des medecins, ce qui ne m'est arrive que
rarement, j'ai remarque qu'ils pensaient a leurs propres affaires
beaucoup plus qu'a ce que je leur disais, et cela m'a eloigne d'eux;
moi, mon cher monsieur, quand un client me consulte, je me mets a sa
place et j'entre dans sa peau.
Pendant qu'il parlait, Saniel l'examinait, ce qu'il n'avait pas
fait jusqu'a ce moment, et il constatait en lui des signes d'un
amaigrissement rapide tout a fait caracteristiques; il flottait dans
ses vetements, faits pour un homme moitie plus gros qu'il ne l'etait
maintenant; son visage etait rouge et luisant comme s'il eut ete
recouvert d'une couche de sucre de cerise.
--Voulez-vous me montrer vos dents? demanda Saniel; il serait peut-etre
possible de soulager vos douleurs.
--Vous croyez....
Son examen ne fut pas long.
--Vous avez la bouche seche bien souvent, n'est-ce pas? demanda-t-il.
--Oui.
--Votre soif est vive?
--Vraiment genante.
--Dormez-vous bien?
--Non.
--Vous avez des troubles dans la vue?
--Oui.
--Ne vous etes-vous pas apercu que vous mettiez des taches poisseuses a
votre linge?
--Sans doute; mais je n'y ai pas attache d'importance.
--Mangez-vous bien?
--Je devore; et, plus je mange, plus je maigris; je tourne au squelette.
--Je vois que vous gardez a la nuque des cicatrices de furoncles.
--Ils m'ont fait assez souffrir, les coquins; mais ils sont partis comme
ils etaient venus. Dame! on n'est plus jeune a soixante et onze ans, on
a ses petits ennuis; car ce ne sont que des ennuis, n'est-ce pas?
--Assurement; avec quelques precautions et un regime que je vous
indiquerai, si vous le voulez bien, vous vous en debarrasserez
facilement. Je vais toujours vous faire une ordonnance pour calmer vos
douleurs de dents.
--Nous reparlerons du reste, car nous allons avoir occasi
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