ce qu'on doit leur rendre; ils ne sont pas
restes en arriere dans ce qui fait le fondement et le principal ressort de
leur commerce; ils se sont singulierement perfectionnes, je dirai presque
qu'ils ont passe leurs maitres, dans cette insatiable soif du gain, dans
cette complete insensibilite, cet insultant mepris pour les droits et pour
le bonheur de leurs semblables, qui constituent la condition premiere et
indispensable de ce sanglant trafic.
Pardonnez-moi, Sire, d'avoir afflige votre coeur sensible par le recit des
atrocites qu'entraine a sa suite ce detestable systeme. C'est pour vous un
juste sujet de consolation interieure, de penser que vous avez enfin
denonce a la chretiente cette honteuse fletrissure imprimee sur elle; et
le recit que je viens d'offrir a Votre Majeste, ne prouve que trop
clairement que le fleau que vous vous etes solennellement engage a
detruire, n'etait pas indigne de votre auguste et puissante intervention.
On presente une objection. "Quelqu'enorme, dit-on, quelqu'imposante que
soit cette masse de cruautes et de crimes, cependant on ne peut
disconvenir que plusieurs annees se sont ecoulees avant que les
abolitionnistes anglais eux-memes, pussent reussir a faire abandonner a
leurs concitoyens, ce commerce illegitime." Il n'est que trop vrai; bien
des obstacles ont entrave notre marche; nos progres ont ete lents. Et qui
le sait mieux que nous qui, d'annee en annee, avons vu, si long-temps,
notre attente decue et nos esperances trompees? Cette objection parait
naturelle. Cependant on aurait tort d'en faire un grief contre nous; on
aurait tort de s'etayer des lenteurs qu'a eprouvees l'abolition
britannique, pour traiter d'irraisonnable le zele que nous mettons a
provoquer, sans delai, cette abolition de la part des autres peuples.
L'objection est donc injuste; mais comme elle ne laisse pas d'exercer une
grande influence dans la question, il n'est pas inutile de considerer les
causes de ces lenteurs qu'on nous reproche. Ne fut-ce que pour rendre
justice a la nation britannique, cet examen serait encore utile.
Et d'abord, il importe de prendre en consideration l'etat des choses au
moment ou nous commencames nos operations. On a dit souvent, et avec
raison, que l'habitude est une seconde nature: or, qu'on n'oublie pas que,
durant deux siecles, la Traite avait ete exercee sans interruption, sans
obstacle et sans qu'il fut venu a personne l'idee de mettre en doute sa
legalite. On ignorait la nature
|