ls faits?.... Qu'est devenue cette police francaise
si justement celebre pour sa vigilance et pour la celerite de ses
operations?.... Cette police aux cent yeux, n'en a-t-elle plus lorsqu'il
s'agit d'explorer les crimes de la Traite?..... Et ses innombrables
oreilles, les a-t-elle bouchees pour ne pas entendre ce que tout le monde
sait, ce qu'elle seule parait ignorer?... Nous ne pouvons croire que le
gouvernement Francais manque de zele a faire executer les lois! Et
cependant, d'ou vient que les lois contre la Traite sont les seules qu'il
ne fait pas executer?.... Quelle cause assignerons-nous a cet etrange
phenomene?....
Et neanmoins, Sire! les lecons n'ont pas manque a ce gouvernement. Il en
est une surtout par laquelle il semble que la Providence ait voulu
reveiller son energie et sa sensibilite, et le tirer de sa funeste apathie
par l'un de ces effroyables exemples qui donnent, tout d'un coup, la
mesure des horreurs auxquelles on doit se preparer en tolerant la Traite,
et de la sceleratesse des monstres qui se livrent a ce commerce sanglant.
Je vais rapporter ce fait horrible: il est d'une telle nature, qu'il
frappera d'etonnement et d'horreur ceux-la meme que l'attention qu'ils ont
portee vers la Traite, a le plus familiarises avec les crimes de ce fleau,
et avec toutes les formes diverses, toutes plus hideuses les unes que les
autres, sous lesquelles ces crimes ont coutume de se produire.
Le Rodeur, navire francais de 200 tonneaux, fit voile du Havre le 24
Janvier, 1819, pour la cote d'Afrique ou il arriva le 14 Mars suivant.
Jusque-la, l'equipage qui etait compose de 22 hommes, avait joui d'une
bonne sante. Il prit a bord 160 Noirs avec lesquels il fit voile pour la
Guadeloupe, le 6 Avril. La cargaison, c'est le nom qu'on donne aux
malheureux Noirs, la cargaison et l'equipage ne montraient aucun symptome
de maladie; mais un mal effroyable se developpa, lorsque le navire fut
sous la ligne.
Les symptomes n'etaient d'abord que d'une nature peu alarmante. C'etait
une rougeur qui se manifestait aux yeux: limitee aux seuls Noirs, on
l'attribua au defaut de renouvellement de l'air dans la cale ou ces
infortunes etaient entasses, ainsi qu'a la disette d'eau qui commencait
deja a se faire sentir. On etait alors rationne a huit onces par jour, et,
plus tard, il n'en fut distribue qu'un demi verre. D'apres l'avis du
chirurgien du batiment, on fit monter successivement les Noirs sur le
bord, afin de leur faire respirer
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