le
navire, en fut atteint lui-meme. Parmi les Noirs, 39 etaient devenus
aveugles; 12 etaient borgnes; 14 avaient des taches plus ou moins
considerables sur la cornee. Parmi l'equipage, 12 avaient perdu la vue,
parmi lesquels etait le chirurgien du navire; 5, dont etait le capitaine,
avaient perdu un oeil; quatre autres avaient plus ou moins eprouve les
suites de l'ophtalmie. Le 22 Octobre, le Rodeur retourna au Havre.
Tels sont les details publies a Paris, d'un voyage fait, en 1819, aux
cotes d'Afrique, par un navire negrier francais. Et Votre Majeste voudra
bien observer, que tous ces details sont incontestables et dignes de foi;
d'abord, parce que l'auteur a qui nous les devons, M. Guillie, homme digne
de foi, oculiste de la Duchesse d'Angouleme, a, peu de temps apres, fait
inserer, dans le Courrier Francais, une lettre dans laquelle il declare
qu'il tient toutes ces particularites du capitaine, du chirurgien et des
matelots du Rodeur auxquels il a donne ses soins; ensuite, parce que ces
details ne sont pas fournis par un ennemi de la Traite dans la vue d'en
inspirer l'horreur et d'en arreter la continuation, mais sont publies,
comme renseignemens de l'art, dans un ouvrage scientifique dans lequel
l'auteur n'avait en vue que de rendre compte d'une maladie et d'exposer
les remedes qui lui sont propres. L'article dans lequel est contenue
l'histoire du Rodeur, est intitule: _Observations sur une
Blepharo-blennorrhee contagieuse_. Il est insere dans le numero de
Novembre 1819 de "la Bibliotheque Ophtalmologique ou Recueil
d'Observations sur les Maladies des Yeux, faites a la Clinique de
l'Institution Royale des jeunes Aveugles, par M. Guillie, Directeur
general et Medecin en Chef, etc...."
Mais, helas! Il n'arrive que trop souvent que nous restons indifferens aux
souffrances que nous ne voyons pas. Nul doute que, si les lecteurs de ce
drame sanglant, en eussent ete les temoins oculaires, leurs ames se
fussent soulevees d'horreur et d'indignation. Et cependant, cette
publication ne parait pas avoir excite une grande sensation a Paris, et,
probablement, moins encore au Havre; car, des l'annee suivante, le Rodeur
partit pour un second voyage, commande par le meme capitaine, et, sans
etre retenu par la vengeance terrible dont la divine Providence venait de
punir ses forfaits, alla de nouveau porter le ravage sur les rives
africaines. Quoiqu'il en soit, les faits sont etablis d'une maniere
indeniable, et la posterite aura
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