l'impasse du Glayeul, si a l'etroit qu'ils y fussent.
Il semblait qu'il y eut dans cette obstination une religion de famille,
et que le nom d'Adeline format avec celui du Glayeul une sorte de raison
sociale.
Pour l'habitation personnelle, il en avait ete comme pour la fabrique:
c'etait impasse du Glayeul que le premier Adeline avait demeure,
c'etait impasse du Glayeul que ses heritiers continuaient de demeurer;
l'appartement etait bien noir cependant, peu confortable, compose de
grandes pieces mal closes, mal eclairees, mais ils n'avaient besoin
ni du bien-etre ni du luxe que ne comprenaient point leurs idees
bourgeoises. A quoi bon? C'etait dans l'argent amasse qu'ils mettaient
leur satisfaction; surtout dans l'importance, dans la consideration
commerciale qu'il donne. Vendre, gagner, etre estimes, pour eux tout
etait la, et ils n'epargnaient rien pour obtenir ce resultat, surtout
ils ne s'epargnaient pas eux-memes: le mari travaillait dans la
fabrique, la femme travaillait au bureau, et quand les fils revenaient
du college de Rouen, les filles du couvent des Dames de la Visitation,
c'etait pour travailler,--ceux-ci avec le pere, celles-la avec la mere.
Jusqu'a la Restauration, ils s'etaient contentes de cette petite
existence, qui d'ailleurs etait celle de leurs concurrents les plus
riches, mais a cette epoque le dernier des ducs d'Elbeuf ayant mis en
vente ce qui lui restait de proprietes, ils avaient achete le chateau du
Thuit, aux environs de Bourgtheroulde. A la verite, ce nom de "chateau"
les avait un moment arretes et failli empecher leur acquisition; mais de
ce chateau dependaient une ferme dont les terres etaient en bon etat,
des bois qui rejoignaient la foret de la Londe; l'occasion se presentait
avantageuse, et les bois, la ferme et les terres avaient fait passer
le chateau, que d'ailleurs ils s'etaient empresses de debaptiser et
d'appeler "notre maison du Thuit", se gardant soigneusement de tout
ce qui pouvait donner a croire qu'ils voulaient jouer aux chatelains:
petits bourgeois etaient leurs peres, petits bourgeois ils voulaient
rester, mettant leur ostentation dans la modestie.
Cependant cette acquisition du Thuit avait necessairement amene avec
elle de nouvelles habitudes. Jusque-la toutes les distractions de la
famille consistaient en promenades aux environs le dimanche, aux
roches d'Orival, au chene de la Vierge, en parties dans la foret qui,
quelquefois, en ete, se prolongeaient par le chateau
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