nous ce qui s'est passe dans ton entretien avec M. Eck.
Il fit un signe furtif a sa femme pour qu'elle allongeat son recit
autant qu'elle le pourrait: pendant ce temps, sa mere se calmerait sans
doute.
Madame Adeline comprit ce que son mari voulait et rapporta a peu pres
textuellement les paroles de M. Eck.
Mais la Maman ne la laissa pas aller sans l'interrompre; aux premiers
mots elle lui coupa la parole:
--Tu vois que ces juifs se rendent justice et qu'ils sentirent la
repulsion qu'ils inspiraient en venant s'etablir ici pour ruiner
d'honnetes gens par la concurrence.
--Je t'en prie, Maman, permets qu'Hortense continue, ou nous ne saurons
rien.
Madame Adeline reprit, mais presque tout de suite la Maman interrompit
encore:
--Vois-tu ta main ouverte! qu'avais-tu besoin de leur tendre la main!
tout le mal vient de toi et de ton discours; ah! si tu m'avais ecoute!
Quand madame Adeline appuya sur l'estime que tous les Eck et tous les
Debs professaient pour Adeline, la Maman secoua la tete en murmurant:
--L'estime de ces gens-la! voila une belle affaire vraiment! il n'y pas
de quoi se rengorger comme tu le fais.
Madame Adeline continua lentement et la Maman fit des efforts pour se
contenir; mais quand sa bru repeta les paroles meme qui avaient ete
la conclusion du pere Eck: "Est-ce que ce serait une mauvaise raison
sociale: Eck et Debs-Adeline. Le vieil arbre repousserait avec des
rameaux nouveaux", elle poussa un cri d'indignation:
--Et vous n'avez pas vu, vous, que ces juifs veulent s'emparer de notre
maison! la fille, ils en ont bien souci; c'est le nom qu'ils veulent,
c'est la maison qu'il leur faut.
Apres cette explosion, il y eut un moment de silence: la Maman tenait
les yeux fixes sur le plancher et paraissait suivre sa pensee, agitant
ses levres sans former des mots distincts. Tout a coup elle prit la main
de son fils violemment:
--Constant, la verite: on me la cache ici, ta femme, toi-meme.
Maintenant il faut parler. Comment vont tes affaires? Tu es donc bien
malade que ces gens pensent pouvoir heriter de toi?
Il hesita un moment en regardant sa femme:
--Ce n'est pas de ta femme qu'il faut prendre conseil, c'est de ton
coeur, de ta conscience; je t'interroge, ne repondras-tu pas a ta mere?
Il hesita encore.
--C'est vrai ce que je crains? dit-elle doucement, tendrement.
--Oui.
VI
La Maman, si exaltee quelques minutes auparavant, avait tendu la main a
son fils, et comm
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