aris.
--Laquelle?
--L'honnetete. Ce qui ecarte bien des gens des cercles, c'est la crainte
d'etre vole; quand on se met a une table de jeu pour son plaisir, on
n'aime pas a faire le metier d'agent de police et a surveiller ses
voisins; avec un president comme vous a la tete d'un cercle, on aurait
toute securite, et par cela seul le succes de ce cercle serait assure;
au jeu, on ne vole guere que la ou l'on trouve des complices.
--Si j'ai celle-la, il me manquerait toutes les autres; quand ce ne
serait que le temps.
--Il est certain que cette presidence vous prendrait un certain temps,
mais pas autant que vous pouvez le croire; d'ailleurs, si on vous
demandait quelques heures, ce ne serait pas sans vous offrir des
avantages en echange: ces fonctions sont remunerees: il y a des
presidents qui touchent trois mille francs par mois, c'est quelque
chose.
Ils etaient arrives devant la maison d'Adeline.
--Adieu! dit celui-ci.
Mais le vicomte ne lui permit pas de se degager:
--Donnez-moi encore quelques instants, dit-il, la proposition, je vous
assure, merite d'etre examinee serieusement.
V
Ils revinrent sur la place de la Madeleine.
--Ce n'est pas a vous qu'il est besoin de dire, reprit le vicomte, que
tout avantage se paye. Un cercle est une affaire comme une autre; elle
donne des produits qui doivent servir, avant tout a remunerer ceux
qui les procurent. Quand vous apportez a une societe une concession
quelconque que vous avez obtenue par votre intelligence ou votre
influence, cet apport s'estime en argent, n'est-ce pas? Et je suis
certain que l'autorisation qui donnerait naissance a notre cercle ne
serait pas comptee pour moins de soixante a soixante-quinze mille
francs; c'est le prix courant; de sorte que les roles seraient changes:
vous ne seriez plus mon debiteur, c'est-a-dire que la societe serait le
votre.
La scene que le vicomte jouait avec Adeline avait ete longuement repetee
avec Raphaelle, et il avait ete convenu qu'en cet endroit il se ferait
un silence de facon a laisser a la reflexion le temps d'agir. Ils
connaissaient la situation d'Adeline comme il la connaissait lui-meme,
et savaient quel soulagement serait pour lui la perspective de n'avoir
pas a payer a cette heure ces cinquante mille francs. Ils avaient
tres bien prevu que l'offre d'un traitement de trois mille francs ne
suffirait pas, par cette raison qu'elle etait a terme, tandis que
le non-payement des cinquante mille francs
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