aut le lui demander, repondit Berthe en riant.
--Ce n'est pas la peine.
On se salua, et pour la premiere fois, Adeline remarqua qu'il y avait
dans le regard de Michel comme dans le mouvement de sa tete et le geste
de son bras quelque chose de particulier qui ne ressemblait en rien au
salut de tout le monde; comment n'avait-il pas vu cela jusqu'alors?
--Est-ce que Michel Debs savait que nous devions aller au Thuit ce
matin? demanda Adeline lorsqu'ils furent passes.
--Comment l'aurait-il su?
--Tu aurais pu le lui dire hier au soir.
Berthe ne repondit pas.
Puisque le hasard de cette rencontre mettait l'entretien sur Michel,
Adeline se demanda s'il ne devait pas profiter de l'occasion pour le
continuer; mais il ne s'agissait plus de Toto ou de Popo, et il trouva
que dans cette voiture il n'aurait pas toute la liberte qu'il lui
fallait: c'etait la vie de sa fille, son bonheur qui allaient se
decider, l'emotion lui serrait le coeur; l'heure presente etait
si differente de celle qu'autrefois, dans ses moments de reveries
ambitieuses, il avait espere!
Comme depuis longtemps deja il gardait le silence, absorbe dans ses
pensees, Berthe le provoqua a parler.
--Qu'as-tu? demanda-t-elle; tu ne dis rien; tu n'es donc pas heureux
d'aller au Thuit?
C'etait une ouverture, il voulut la saisir, sinon pour l'entretenir tout
de suite de Michel, au moins pour la preparer a se prononcer sur sa
demande en connaissance de cause; il ne suffisait pas en effet de
lui dire: "Michel Debs, l'associe de la maison Eck et Debs, desire
t'epouser"; il fallait aussi qu'elle sut a l'avance dans quelles
conditions Michel se presentait et l'interet materiel qu'il pouvait y
avoir pour elle a l'accepter; ce n'etait pas du tout la meme chose de
refuser ce mariage alors qu'elle croyait a la fortune de ses parents,
que de le refuser en sachant cette fortune gravement compromise.
--Il a ete un temps, dit-il, ou je n'avais pas de plus grand plaisir que
d'aller au Thuit. C'est la que j'ai appris a marcher. C'est la que tu
as fait tes premiers pas sur l'herbe. Dans la maison, le jardin, les
terres, il n'y a pas un meuble, pas un buisson, pas un chemin ou un
sentier qui n'ait son souvenir. Depuis dix-huit ans je n'ai pas plante
un arbre, je n'ai pas fait une amelioration, un embellissement sans me
dire que ce serait pour toi. Et maintenant... je me demande si je ne
vais pas etre oblige de le vendre.
--Vendre le Thuit!
--Il faut que tu sach
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