par une femme qui le tirerait
de la misere; mais quand elle avait adroitement aborde la question du
mariage, il avait commence par ne pas comprendre; puis, quand elle avait
precise de facon a ce qu'il lui fut impossible de s'echapper, il avait
nettement repondu par la question de fortune.
--Qu'apportait-elle en mariage?
Tout compte fait, il s'etait trouve que cette fortune ne suffirait pas a
la vie qu'il entendait mener.
Elle s'etait desesperee, et, comme il etait bon prince, il l'avait
consolee.
--Il n'y avait qu'a la doubler, qu'a la tripler, cette fortune; le moyen
etait en somme, assez facile: elle avait des relations; qu'elle
obtint pour lui l'autorisation d'ouvrir un cercle a Paris, et ils ne
tarderaient pas, associes elle et lui, tous deux dans la coulisse,
a gagner ce qui leur manquait. Alors ils se marieraient comme deux
honnetes fiances qui ont travaille pour leur dot.
II
C'etait dans les diners auxquels l'invitait "son cher collegue"
qu'Adeline avait fait la connaissance du vicomte de Mussidan, l'homme
du monde le plus affable et le plus aimable qu'il eut jamais rencontre,
Comment, dans ce jeune homme elegant et distingue, d'une politesse
exquise, de grandes manieres, reconnaitre "Frederic", l'ancien croupier
de Barthelasse? Personne n'en aurait eu l'idee, alors meme qu'on
l'aurait entendu prononcer les mots sacramentels: "Messieurs, faites
votre jeu; le jeu est fait", qui d'ailleurs ne lui echappaient point,
car on ne jouait pas chez Raphaelle.
Ils etaient fort agreables, ces diners, ou, a l'exception du vicomte de
Mussidan et du pere de la maitresse de la maison, un ancien militaire
de belle prestance et decore, on ne rencontrait que des collegues avec
lesquels on continuait les conversations commencees au Palais-Bourbon;
aussi etait-il rare que les invitations de M. de Cheylus ne fussent pas
acceptees avec empressement: c'etait avenue d'Antin, a deux pas de la
Chambre, que demeurait Raphaelle; en sortant apres la seance, on etait
tout de suite chez elle; et le soir, apres le diner, une promenade sous
les arbres des Champs-Elysees, avant de rentrer chez soi, aidait la
digestion des bonnes choses qu'on avait mangees et des bons vins qu'on
avait bus.
Car on mangeait de bonnes choses dans cette maison hospitaliere, et meme
on n'y mangeait que de tres bonnes choses. Pendant qu'il etait prefet
de la Gironde, M. de Cheylus s'etait fait de nombreux amis dans son
departement, et ceux-ci se rapp
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