eureux d'applaudir au succes du
beau-frere de son ami. Quand de longs applaudissements saluerent le nom
de Fare, il se passa cela de caracteristique dans le coeur d'Adeline que
sa sympathie et son amitie pour Frederic de Mussidan s'en trouverent
augmentes.
Deux jours apres, comme Adeline sortait de chez lui un soir pour faire
une courte promenade avant de se coucher, il se trouva face a face avec
Frederic, qui par hasard passait rue Tronchet, se promenant aussi, et
tous deux bras dessus bras dessous, ils s'en allerent flaner sur les
boulevards: le temps etait doux, les passants se montraient assez rares,
on pouvait causer librement.
Cette rarete des passants fournit a Frederic le point de depart pour ce
qu'il voulait dire:
--N'etes-vous point frappe, mon cher depute, de la transformation qui
s'opere a Paris? Il n'est pas dix heures, et nous avons deja vu je ne
sais combien de magasins qui ont ferme leur devanture et eteint leur
gaz. Certainement il y a du monde sur les trottoirs, mais vous voyez
qu'on n'est plus coudoye et bouscule comme autrefois. Il y a la un
changement qui, me semble-t-il, doit inquieter un homme de gouvernement
comme vous.
--Que voulez-vous que le gouvernement fasse a cela?
--Il pourrait faire beaucoup: c'est un fait, n'est-ce pas, que Paris
perd de son elegance, de son mouvement, de son bruit, et qu'il n'est
plus l'auberge du monde qu'il a ete? On ne s'amuse plus. Il n'y a
plus personne pour donner le ton, et dans notre monde de plus en plus
bourgeois, il n'y a plus que des bourgeois qui s'ennuient bourgeoisement
et qui ennuient les autres. Cela est grave, tres grave, pour la
prosperite du pays et pour la fortune publique, car c'est une des causes
de la crise commerciale dont tout le monde souffre, les riches comme les
pauvres. Pour la crise que traverse votre industrie, les explications
ne vous manquent point, n'est-ce pas? c'est le remede que vous n'avez
point. Eh bien, un des remedes a ce mal serait de rendre a Paris son
animation d'autrefois. Que se passait-il quand des quatre parties du
monde les etrangers affluaient a Paris pour s'y amuser et y faire la
fete? c'est que pendant leur sejour ici ils achetaient tous les objets
de luxe dont ils avaient besoin chez eux: leurs meubles, leurs bijoux,
leurs vetements. C'etait du drap d'Elbeuf que nos tailleurs employaient
pour ces vetements, c'etait avec des soieries et des velours de Lyon que
nos couturieres habillaient leurs femmes. Rentr
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